Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 113.djvu/320

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soit par l’un de ces comités, soit par les deux comités réunis en section, soit enfin par l’assemblée. Cela faisait trois juridictions ; c’était peut-être beaucoup. La commission n’a point adopté cette organisation tripartite. Nous retrouvons bien, dans son projet, les deux comités maîtres de statuer en matière d’élections et de contributions. Mais sur les attributions propres de la section, c’est-à-dire des deux comités siégeant ensemble, plus un mot. En faut-il conclure que, hormis les affaires d’élections et de contributions, tout irait, indistinctement, à l’assemblée du contentieux ?

Une troisième réforme, qu’il serait utile d’emprunter de même à M. Ricard, et de réaliser dans une mesure plus large qu’il n’a cru devoir le proposer, serait la restriction du droit illimité d’appel. On allègue, je le sais, que, les pourvois les plus minimes présentant, à côté des questions de fait, des questions de droit, le conseil d’État y trouve l’occasion de poser ou de rappeler aux administrations et aux conseils de préfecture les règles qui doivent être uniformément appliquées sur tous les points du territoire. On allègue aussi une raison d’équité et un intérêt de bonne démocratie : il faut que le plus humble citoyen puisse réclamer devant la juridiction suprême. Je suis peu touché, je l’avoue, de ces argumens classiques, qui me semblent valoir surtout en théorie. Il me paraît regrettable de voir le conseil d’État perdre son temps à rechercher, par exemple, s’il y a lieu d’admettre la requête de quelque justiciable, à l’humeur processive, qui se pourvoit contre l’arrêté d’un conseil de préfecture rangeant son chien dans telle ou telle catégorie de taxation. Il est clair que les trois quarts de ces broutilles devraient être réglés en dernier ressort par la juridiction du premier degré. Il serait plus que suffisant d’en laisser venir un quart seulement au conseil, pour lui permettre de maintenir en ces matières l’unité de jurisprudence. — Mais, dira-t-on, qui empêchera le plaideur de prendre une voie détournée en alléguant qu’il y a eu excès de pouvoir ou violation de la loi ? Le conseil serait saisi, par ce biais, comme tribunal non d’appel, mais de cassation. Il n’en serait pas moins saisi. Les dossiers entreraient par une autre porte. La rubrique seule serait modifiée. Autant vaudrait soutenir que la cour de cassation, en matière civile, est considérée par la masse des plaideurs comme un troisième degré de juridiction. Les plaideurs savent qu’il n’en est rien, et, dans le plus grand nombre des cas, s’abstiennent d’introduire devant la cour suprême un pourvoi qui serait inutile[1].

  1. Le conseil, au reste, pourrait se garantir, dans une certaine mesure, contre ces appels déguisés, en leur opposant une jurisprudence plus rigoureuse. — Cette suppression de l’appel, mais pour un plus grand nombre d’affaires, avait été proposée, il y a quelques années, par M. Mazeau, alors garde des sceaux. (Voir son projet de loi tendant à réduire le nombre des conseils de préfecture. — Chambre, annexe à la séance du 25 juin 1887.)