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décréter des fêtes, à convoquer d’autres municipalités ; elle met sa main à l’œuvre, elle entreprend, sans plus de façon, la régénération sociale, la réforme de son bureau de bienfaisance, la création d’une commune-providence, qui, se chargera de tous, des femmes, des enfans, des vieillards, et pourvoira à tout. Comment trouvera-t-elle des ressources pour suffire à tout ? Comment s’arrangera-t-elle avec les lois et avec son budget ? Il paraît que ce n’est plus qu’un détail. À Roubaix, la municipalité prépare ses réformes socialistes, et en même temps les ouvriers du Nord expulsent les ouvriers belges. À Carmaux, une grève née, on peut le dire, d’un incident futile, se perpétue sans raison sérieuse et surtout sans profit. Une population tout entière vit dans le chômage au milieu de toutes les excitations. La police se fait par le maire, chef de la grève, et par les ouvriers qui font des patrouilles pour empêcher leurs camarades d’aller au travail ; mais ce qu’il y a de plus caractéristique, de plus étrange, c’est que cette grève n’est plus une grève. Ce n’est plus qu’une agitation toute socialiste, entretenue et dirigée par des députés qui abusent positivement de leur titre et ne sont que des intrus à Carmaux, qui se succèdent, excitant les grévistes, mettant un déplorable zèle à prolonger une lutte ruineuse pour la compagnie sans doute, mais plus dangereuse encore pour les ouvriers, pour l’ordre public. Et pendant ce temps, dans les congrès, on menace, on essaie du moins de menacer le pays de la grande mesure de guerre, de la grève générale, en d’autres termes, de la suspension du travail national sous toutes ses formes. Voilà qui résoudrait la question sociale et qui pourrait animer cette fin d’automne.

Jusqu’à quel point nos ministres, dans leurs promenades, remplissent-ils tous leur rôle de défense et de protection ? Ils font probablement ce qu’ils peuvent ou ce qu’ils croient pouvoir ; ils le font dans tous les cas discrètement, avec de visibles hésitations, en hommes qui craignent de se compromettre pour ces deux illustres clientes, la loi et la liberté du travail, qui énervent eux-mêmes l’action publique. Il faut dire le mot : s’il y avait le moindre sentiment de légalité et de prévoyance, ceux qui représentent la république au pouvoir et dans le parlement, ministres et chefs de la majorité républicaine devraient être les premiers à demander compte aux députés émissaires de faction de l’abus de leur mandat, de leur intervention positivement scandaleuse dans des affaires comme celles de Carmaux. Qu’on mette toujours de la mesure dans la fermeté, dans la répression, surtout à regard de ceux qu’on égare et qu’on séduit, rien de mieux : au-delà le gouvernement ne s’aperçoit pas que par ses faiblesses il encourage les agitateurs, et que c’est en définitive le pays tout entier qui paie les frais de ses hésitations, de ses temporisations dans sa sécurité, dans ses plus précieux intérêts.

La fortune du temps veut que tous les problèmes du travail, les