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largement leur vie en dirigeant des cours et en donnant des leçons particulières. « Naturellement, dit le journal, les élèves sont d’ordinaire de très jeunes gens qui, tout frais sortis de l’école, préparent leur entrée dans le monde ; mais il y a aussi des personnes âgées qui demandent un entraînement particulier, et ce sont celles-là qui donnent le plus de peine, étant souvent timides et consternées par le son de leur propre voix. Non-seulement on leur apprend à choisir des sujets convenables, développés par d’heureux commentaires, mais encore on les met en garde contre les anecdotes trop longues, les affaires personnelles ennuyeuses, les souvenirs de famille trop abondans, les allusions risquées, le sarcasme, la médisance. Puis la maîtresse soigneuse donne des leçons de rire qui impliquent une modulation correcte de la voix et une répression sévère du ricanement ; elle stimule les découragés en leur faisant remarquer combien une attention soutenue aide à saisir le fil de la conversation et à le dérouler, etc. »

Combien de malice un causeur tel que M. Aïdé doit-il mettre dans cette citation ! Il n’y ajoute rien, ce qui est à peine équitable, car nous savons qu’en tout pays on rencontre des annonces auxquelles nul ne croit et qui font sourire ceux-là mêmes qui les lisent avec un certain empressement. Voyez plutôt les recettes de beauté dans nos journaux de France. Serait-il juste de croire que les eaux de Jouvence et les charmes variés sous forme de poudres, de fioles ou de petits pots que beaucoup d’entre eux préconisent à la quatrième page, soient la preuve d’un certain état de décadence touchant à l’imbécillité ? Peut-être les professeurs de conversation à New-York n’ont-ils pas un succès plus étendu que les émailleuses de visages à Paris.

L’hospitalité américaine obtient de M. Aidé un éloge sans réserve ; elle est conçue, dit-il, dans ce vieil esprit anglais qui a été mis en fuite par de vaniteuses conventions. On ne recule pas devant le plaisir de retenir un hôte à l’improviste, de lui offrir le dîner de famille sans aucune de ces sottes excuses sur la pauvreté du menu que réprouvent les lois d’une bonne éducation. Quant aux dîners priés, ils ont généralement paru au voyageur moins bons et moins bien servis qu’il ne s’attendait à les trouver. Sur le second chapitre, il faut dire que nulle part au monde le service n’est compliqué et raffiné comme en Angleterre ; dans un pays neuf où la plus grosse difficulté est de se procurer et de retenir des domestiques, on ne pourrait, fut-ce à grand renfort d’argent, obtenir les mêmes résultats d’élégance et de confort. À New-York il arrive qu’on est obligé de scier sa viande au lieu de la couper, parce que les couteaux d’argent sont d’un nettoyage plus facile et plus