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si l’on n’y prend garde, on pourrait s’en apercevoir trop tard, lors d’une guerre nouvelle. Du reste, pour rentrer dans la question que je traite, le mauvais équilibre fatigue plus les chevaux que les longues marches, quelle que soit l’allure. Le Vaillant de Saint-Denis a donné pour épigraphe à son Recueil d’opuscules cette phrase : — « Ce n’est pas le travail que l’on fait faire au cheval qui abrège la vie de cet animal, mais le défaut de science et de patience dans celui qui le gouverne, parce qu’un exercice forcé et mal raisonné contribue bientôt à ruiner un cheval. » — Et il dit encore, dans le cours de son livre : — « Dans quelles dépenses effrayantes la nation ne se trouve-t-elle pas entraînée lorsqu’on ignore dans les troupes à cheval les moyens de conserver les chevaux… On croit pouvoir assurer, sans crainte d’être démenti, que l’équitation est un art très long et très difficile qui exige autant de théorie que de pratique et qui suppose une foule de connaissances accessoires que l’on n’acquiert qu’avec le temps… Il n’y a jamais eu de véritable homme de cheval que l’homme de manège, parce que lui seul, possédant la science et le fond des principes, a l’habitude de tirer tout le parti possible des chevaux et qu’il applique beaucoup plus facilement les leçons nécessaires à ceux de guerre et de chasse, qui doivent être nécessairement beaucoup simplifiées… Pourquoi sort-il du manège de la cour si peu d’hommes vraiment instruits et pourquoi n’en voit-on peut-être aucun qui soit en état d’enseigner l’art difficile de l’équitation ? C’est parce que les maîtres ne sont pas exactement d’accord entre eux sur l’enseignement et parce qu’on n’est pas encore arrivé A CETTE UNANIMITE SI NECESSAIRE, sans laquelle on ne réussira jamais complètement. »

Dans une précédente étude[1], j’ai dit que les courses, pour lesquelles nos officiers et nos sportsmen montrent une si belle passion, sont très utiles, mais qu’elles le seraient beaucoup plus si elles étaient mieux réglementées. Un commandant de cavalerie, excellent homme de cheval et l’un des meilleurs écuyers qui soient sortis de Saumur, m’écrivait dernièrement à ce sujet : — « Comme toujours, vous exprimez catégoriquement des idées très justes. Vous ne sauriez trop vous élever contre l’abus du cheval de pur-sang trop jeune, ni contre l’anglomanie. Il y a beaucoup à faire dans cette question, qui intéresse la France entière. » — Telles qu’elles sont pratiquées, les courses usent un nombre considérable d’excellens chevaux. Est-ce là, ne fût-ce qu’au point de vue économique, le genre d’équitation qu’il faut répandre dans la cavalerie ? D’ailleurs, le travail serré au manège avec des chevaux vigoureux et surtout pendant le dressage nécessite, pour les hommes mêmes,

  1. L’élevage des chevaux de luxe. (Voyez la Revue du 15 mai.)