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dressage ; mais depuis la suppression de l’école de Versailles, ces établissemens n’ont plus aucun lien entre eux, ne reçoivent plus, quant à l’enseignement, aucune direction supérieure. Les subventions de l’État ont même été complètement supprimées depuis une vingtaine d’années, et la plupart des écoles sont dans une situation très peu florissante. Elles n’ont pas d’installation qui leur permette d’enseigner l’équitation d’extérieur, les sauts d’obstacles, et de montrer ainsi quelle utile application les élèves peuvent faire partout des leçons reçues au manège. Les intérêts commerciaux primant nécessairement tout le reste, les directeurs se trouvent obligés de se conformer plus ou moins aux exigences de leurs cliens, et ceux-ci sont détachés de plus en plus du manège par les progrès que font chez nous les habitudes anglaises et même par ce qu’ils entendent dire à des officiers sortant de l’école de cavalerie.

De tous côtés, il se publie de nouveaux ouvrages, quelques-uns écrits par des professeurs et montrant de plus en plus le désaccord qui existe entre eux, le plus grand nombre par des amateurs qui semblent croire que, parce qu’ils écrivent des lettres tous les jours à leurs amis, ils sont capables de faire un livre, que parce qu’ils montent tous les jours à cheval, ils peuvent parler de l’équitation en maîtres ; leurs ouvrages, qui attestent souvent une complète ignorance des principes, semblent calqués sur ceux qui se publient en Angleterre, sont remplis de conseils à bâtons rompus qui ont traîné partout ou d’observations personnelles qui n’ont qu’une valeur momentanée, — quand elles en ont une, — et qu’ils présentent comme des vérités d’une application générale ; les plus récens se résument à dire : il ne faut plus de manège ; il n’y a pas besoin de théorie ; tous ceux qui écrivent sont des radoteurs, — alors pourquoi écrire vous-mêmes ? Un auteur, dont le livre vient de paraître, a même commis l’étourderie d’écrire cette dédicace : « À mes professeurs, les chevaux, » qui m’a rappelé une anecdote que j’ai entendu raconter, quand j’étais enfant, par un grand élève du lycée Bonaparte, je crois. Les élèves d’une classe avaient pris l’habitude de faire des niches à leur professeur ; un jour ils dételèrent un petit âne appartenant à une bonne femme qui vendait des fruits à la porte du collège, le firent entrer avant l’heure de la classe dans la chaire de leur maître, puis s’assirent eux-mêmes à leurs places et firent semblant d’écrire sous sa dictée. Quand le vrai professeur arriva : Messieurs, dit-il, vous avez choisi un professeur digne de vous, gardez-le. Et il alla rendre compte au censeur de ce qui se passait.