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Sans doute, de tous ces livres nouveaux, même des pires, il peut sortir quelque chose de bon. Je ne suis pas pour qu’on empêche les idées d’éclore ; mais il faudrait, pour mettre un frein aux entraînemens de la jeunesse et de l’inexpérience, qu’il y eût des approbations données ou refusées par un jury ayant qualité pour cela. Cela n’empêcherait pas les « refusés » de publier ce qu’ils voudraient ; mais au moins le public connaîtrait l’appréciation des hommes compétens.

Un autre point très important selon moi, et sur lequel j’appelle tout spécialement l’attention, c’est qu’aucun progrès ne peut se faire tant qu’on continuera dans le public à avoir aussi peu d’estime pour tout ce qui se rattache à l’équitation et aux hommes qui l’enseignent. Dans le monde des intellectuels, des savans et des artistes, on ne veut considérer l’équitation que comme un exercice en quelque sorte purement physique ; jusque dans la bourgeoisie et dans le peuple, il y a comme un sentiment d’aversion pour toutes les professions hippiques, et les jeunes gens bien élevés qui n’ont pas assez de fortune pour être des sportsmen amateurs se garderaient bien de choisir une de ces professions. Il en résulte que les directeurs de manège ne peuvent guère recruter leurs professeurs que parmi d’anciens sous-officiers de cavalerie plus ou moins dépourvus d’instruction et même d’éducation.

Qui plus est, la Société hippique française, qui pourrait, dans une certaine mesure, réagir contre ces fâcheuses tendances, refuse d’admettre dans les courses de gentlemen, — où peut figurer n’importe quel commerçant, — « quiconque vend ou exerce des chevaux, par profession ou même accidentellement, dans un but lucratif, » et organise des courses spéciales où les directeurs d’écoles et leurs professeurs peuvent, si cela leur convient, courir avec leurs propres palefreniers et avec les grooms du comte de X.., ou de Mlle Y.

Nous sommes loin, comme on voit, de l’époque où Le Vaillant de Saint-Denis disait : « L’état d’écuyer a toujours supposé, chez les anciens comme chez les modernes, un homme bien né qui s’attache particulièrement à un souverain, à un prince et même à un général pour dresser ses chevaux, après avoir acquis par une longue expérience les talens nécessaires pour bien remplir cet objet. On a exigé que ceux qui se destinaient à enseigner l’art également long et difficile de monter à cheval fussent gentilshommes, parce que, devant former des jeunes gens bien nés qui se proposent de servir dans la cavalerie, il convenait qu’ils fussent en état de leur donner une sorte d’élévation dans le caractère. »

Depuis longtemps tous les hommes de cheval se rendent compte de l’état déplorable de l’enseignement de l’équitation en France.