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de leur habileté, de leur entregent, de leur souplesse, de l’influence qu’ils savent conquérir et garder, nonobstant le peu de considération qui les entoure.

Les hommes politiques ne sauraient se passer d’eux, car ils s’entendent au maniement du suffrage universel ; ils connaissent à fond le district dans lequel ils opèrent, les votes sûrs, les douteux et les hostiles. Sans leurs pointages, presque toujours exacts, et que centralise le comité d’État en les contrôlant les uns par les autres, il serait difficile d’établir un relevé, même approximatif, des forces dont on dispose, du nombre de voix à déplacer pour convertir la minorité en majorité, des chances qu’offre cette opération, des moyens à employer, des individualités et des localités sur lesquelles concentrer ses dépenses et ses efforts. C’est d’après leurs indications que le comité d’État opère, après en avoir référé au comité central qui lui alloue les sommes nécessaires et lui fournit, avec un supplément d’agens et d’orateurs, les moyens d’action, parmi lesquels figurent invariablement les brochures, journaux et imprimés de toute sorte.

Ils constituent, en effet, l’un des modes de propagande les plus usités. Le compte-rendu des dépenses du comité central républicain, pour la campagne présidentielle de 1888, que nous avons sous les yeux, contient à ce sujet des indications curieuses. Les frais de poste et de transport des documens et des ballots de journaux répandus à profusion dans les États douteux se sont élevés à 500,000 francs ; 550,000 figurent au compte des voitures des orateurs ambulans, un million est affecté aux dépenses spéciales dans les États, alors douteux, de New-York, de New-Jersey, Indiana et Connecticut. Cette dernière dépense ne fut pas inutile. New-York donna à Harrison une majorité de 13,074 voix et l’Indiana de 2,392. Dans le Connecticut, le parti républicain n’échoua que de 336 voix et, dans le New-Jersey, que de 7,149. Un autre million figure au compte de la location des bureaux du comité central républicain à New-York, et surtout à celui des parades et défilés organisés dans cette ville avec grand renfort de musique et de drapeaux. « La plupart de ces parades et de ces défilés sont, écrit le New- York Herald, préparés par les comités des deux partis. En tant que facteurs actifs de la campagne, ces manifestations publiques ont peu d’importance. Elles n’en sauraient avoir que si elles étaient le résultat spontané de l’enthousiasme populaire, et c’est à le provoquer, à le faire naître qu’elles visent, souvent sans succès. Elles n’en coûtent pas moins fort cher, et quand les sommes réunies par dons volontaires spéciaux ne couvrent pas les frais, c’est à la caisse du parti de parfaire la différence. »

Cela est vrai pour New-York et aussi pour les grandes villes