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estiment que l’on peut la modifier sans porter atteinte aux traditions, sans manquer au respect dû à l’œuvre constitutionnelle de la convention. La question sur laquelle les fondateurs de la république, the Fathers of the Republic, se sont attardés, qu’ils n’ont résolue qu’après tant d’atermoiemens, peut être agitée à nouveau. On a, pour la résoudre au mieux des intérêts généraux, des élémens d’appréciation qui faisaient défaut aux législateurs de 1787, et une expérience plus que séculaire.

Cette expérience a justifié, et bien au-delà, les prévisions de Williamson. Les dépenses électorales augmentent à chaque terme nouveau. Puis il est arrivé ce que ni Williamson, ni Morris, ni personne autre ne prévoyait alors, à savoir que l’union américaine compte aujourd’hui 37 États et territoires peuplés de plus de 63 millions d’habitans, qu’elle constitue l’une des plus puissantes nations du monde, l’une des plus riches et des plus commerçantes. Tout est changé depuis 1787 ; la république, solidement assise, n’a rien à redouter d’une désaffection populaire ou d’un coup de main contre les institutions démocratiques. Si d’autres dangers la menacent, celui d’un changement de régime, de la substitution d’une monarchie à la forme actuelle, paraît définitivement écarté. À cette appréhension, légitime en 1787, au lendemain d’une guerre qui consacrait l’affranchissement des colonies, mais laissait subsister encore, chez nombre de colons, les traditions anglaises de respect et d’attachement à la royauté, d’autres préoccupations ont succédé. Elles se font jour et nous les retrouvons dans les résultats de l’enquête officieuse de 1888.

Cette enquête avait un double but : estimer les inconvéniens et chiffrer les pertes qu’entraînait pour le pays une crise présidentielle revenant tous les quatre ans ; aviser aux moyens d’y remédier. Nous la résumerons en nous appuyant sur les témoignages les plus éclairés et les plus probans. Quant aux évaluations, elles varient ; il n’en saurait être autrement en matière si complexe. La plus modérée, celle à laquelle les hommes les mieux à même de juger se rallient, donnait déjà, en 1888, le chiffre formidable de deux milliards et demi de francs, 500 millions de dollars.

Au premier abord, ce chiffre paraît exorbitant. On hésite à croire qu’une crise présidentielle inflige à la grande république une perte aussi énorme ; d’aucuns, cependant, tiennent ce chiffre pour inférieur à la réalité et le portent à trois milliards. Sur quelles bases s’appuie-t-on pour dégager l’inconnue d’un problème de cette nature ? Il en est plusieurs, la plupart empruntées aux relevés statistiques du mouvement commercial des États-Unis, à la comparaison des chiffres afférens aux périodes similaires dans les années d’élection présidentielle et dans les années autres, enfin à l’écart entre ces chiffres. Mais