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les témoins de l’époux ont été Feral, inspecteur de police, et Perrault, lieutenant de la prévôté des monnaies et maréchaussée de France ; le père de l’épouse, gagne-denier, et Jean Toussaint, cocher de place, ont assisté la mariée ; ces derniers ont déclaré ne pas savoir signer. »

Les plaintes formulées par les parens pour faire enfermer leurs enfans portent presque toujours, comme nous venons de le dire, sur des affaires de mœurs ; d’autres fais sur de folles dépenses : éternelle histoire du jeune héritier qui, pour les beaux yeux d’une joyeuse fille, engage le bien paternel dans les griffes des usuriers. Les motifs d’une lettre de cachet ne sont pas toujours très graves. Brunek de Fraudenek fit écrouer au For-l’Évèque un de ses fils, qui était venu compléter ses études à Paris avec l’intention d’entrer dans le corps du génie, afin de le mettre dans les conditions les plus favorables à la préparation de ses examens. Le père fixa au jeune homme un régime frugal ; il le fit installer dans une chambre claire, où il y avait une grande table sur laquelle on pouvait tirer des plans, et le prisonnier recevait quotidiennement la visite de ses maîtres, les sieurs Beauchamp, Thuillier et Gravelot, c’était le célèbre dessinateur d’illustrations, qui l’instruisaient en dessin et géométrie.

Les lettres de cachet venaient au secours d’un beau-père qu’effrayaient les prodigalités de son gendre. Le marquis de Brisay est un ancêtre de Gaston de Presle, gendre de M. Poirier. Jeune, il avait aimé le luxe et les grandes dépenses, et bientôt il s’était vu au bout de son rouleau d’écus. Alors, il avait trouvé une bonne famille bourgeoise, très riche et glorieuse, que son titre de marquis éblouit et qui lui donna une jolie fille avec une dot plus belle encore. Et les dépenses de reprendre grand train. Le beau-père, qui se nommait M. Pinon, pour charmé qu’il était d’appeler sa fille marquise, n’en fronça pas moins les sourcils en voyant la dot si lestement dépensée par le mari. Il prit les enfans chez lui, serra les cordons de sa bourse ; le marquis lit des dettes, M. Pinon se fâcha, puis demanda une lettre de cachet. Nous l’avons sous les yeux : elle est datée du 24 janvier 1751, signée Louis, contresignée d’Argenson, et envoie le marquis de Brisay à la citadelle de Lille. Celui-ci se rendit, en toute liberté, dans sa prison, où il arriva, accompagné d’un domestique, le 3 février. Le premier mois, tout alla bien, le marquis paya ses fournisseurs ; mais les deux mois suivans n’étaient pas écoulés que Brisay devait des sommes importantes à l’hôtelier, aux fournisseurs, aux officiers de la garnison. M. de La Basèque, gouverneur de la citadelle de Lille, en écrit au lieutenant de police et demande que la famille, c’est-à-dire le