Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 114.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais, à lui seul, il ne la réalise pas tout entière. On se rend compte, en effet, qu’une population qui, après avoir l’adopté, continuerait, par une étrange inconséquence, à boire des eaux contaminées, risquerait fort de n’obtenir aucune amélioration appréciable. Il en serait de même, inversement, — comme cela a lieu à Paris, — si, après avoir assuré l’eau potable, on conservait, quant aux immondices, les procédés barbares encore en usage aujourd’hui. Prenons un exemple. Le germe de la fièvre typhoïde se développe de préférence dans les immondices stagnantes et en fermentation. Mais il a dû y être d’abord amené, et s’il s’y trouve, c’est que les habitans l’ont d’abord ingéré en buvant des eaux contaminées. Par un inévitable retour, « si ces germes funestes existent dans l’eau, c’est que celle-ci a subi des souillures, sans avoir été ensuite convenablement purifiée. L’assainissement, pour être efficace, comporte donc simultanément, et de la façon la plus nécessaire, l’adduction d’eaux pures et l’entraînement sans stagnation, sans possibilité de fermentation, de tout ce qui pourrait être favorable à la culture du dangereux microbe. Ces deux conditions sont réalisées dans toutes les villes qui, comme celles que nous citions tout à l’heure, ont véritablement voulu être assainies.

Nous avons ici même[1] montré que la qualité de l’eau potable distribuée à Paris ne laisse rien à désirer. On peut seulement, — on pourra surtout dans un avenir peu éloigné, — lui reprocher de n’être pas suffisamment abondante. En ce qui touche l’autre partie du problème de l’assainissement, — puisqu’il résulte de ce que nous disions, il y a un instant, qu’entre l’amélioration de la santé publique et l’éloignement des rebuts de la vie, il y a une étroite corrélation, — puisque le tout à l’égout doit, chez nous, comme il le fait de l’autre côté de la Manche, épargner un si grand nombre d’existences, hâtons-nous de le mettre en pratique. La vie humaine n’est-elle pas un trésor dont il convient de ne pas laisser perdre une parcelle, alors surtout que la population française est menacée de décroissance ? N’avons-nous pas d’ailleurs un réseau d’égouts qu’on proclame admirable ?


II

Nos pères, de mœurs moins raffinées, plus ignorans aussi des lois de l’hygiène, ont pendant longtemps pris assez peu de souci de cette question, si grave pour nous, de l’évacuation des eaux usées. Si, dès l’époque de Tarquin l’Ancien, il y eut à Rome de grandioses égouts, dont la cloaca maxima reste comme un

  1. Voyez la Revue du 15 septembre.