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pompe d’Épinay distribuait, il y a peu de temps encore, ce détestable breuvage. L’Oise, heureusement, fait sentir enfin la bienfaisante influence d’un flot plus pur. À Poissy, à Mantes, on constate un relèvement appréciable de la teneur en oxygène, en même temps que la diminution de l’azote. Mais il en reste encore trop. À 86 kilomètres du grand collecteur, l’infection se reconnaît à des traces sensibles. La limite inférieure de son influence descend d’ailleurs d’année en année. On la retrouve aujourd’hui bien au-delà de Port-Villez, et le département de l’Eure pourrait joindre ses justes doléances à celles de Seine-et-Oise.

On a pu, avec grande vraisemblance, attribuer à cette pollution plus d’une épidémie, et notamment celle qui pendant l’été dernier a désolé les communes riveraines. L’eau qu’on leur donne est certainement malsaine et contaminée, et les amas vaseux laissés sur les bords, quand baisse le niveau du fleuve, fournissent, en se desséchant, des poussières morbides que le vent, complice inconscient, transporte partout. Menacés dans leur santé, les habitans sont encore atteints dans leurs intérêts, par l’inévitable dépréciation des propriétés, délaissées des amateurs de villégiature. Les plaintes très vives de toutes ces populations sont donc parfaitement justifiées, et on peut légitimement demander, suivant la forte expression d’un éminent hygiéniste, qu’on n’oblige pas plus longtemps la banlieue à boire les déjections de Paris.

Paris, il faut le dire, n’est pas le seul coupable, s’il est le principal. Sans remonter plus haut que Ville-Evrard, 22 égouts se déversent dans la Marne en amont du confluent de Charenton. Sur la Seine elle-même, entre Corbeil et Port-à4’Anglais, on en compte 38. C’est à ces 60 bouches impures qu’il faut attribuer la qualité fort suspecte de l’eau puisée par les machines du service public. Même spectacle à l’aval. À peine, descendant le cours du fleuve, est-on sorti de Paris, qu’on rencontre de nouveaux tributaires d’eaux infectes. Le ru de Marivel apporte les eaux polluées de Sèvres, de Ville-d’Avray et de Versailles. Des collecteurs interceptent bien ensuite sur l’une et l’autre rive les égouts industriels et communaux. Mais ce qui est différé n’est pas perdu ; ces deux émissaires se déchargent à leur tour un peu au-delà de Puteaux. Neuilly, Courbevoie, Nanterre, Clichy, Asnières, Saint-Ouen, Levallois, en font tout autant. Plus en aval, il en est encore de même : le tout à la Seine est la règle de tous les riverains. Entre le Point-du-Jour et Mantes, ce fleuve infortuné sert ainsi d’exutoire à 93 égouts publics ou privés. — Ce déshonneur ne lui est pas spécial. Il en partage la honte avec tout ce qui, dans notre pays, peut s’appeler rivière.

Les cours d’eau constituent, avec les rivages de la mer, une des