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Les savans s’en sont mêlés : ils ont précisé les conditions dans lesquelles on se trouvait, le but que l’on devait atteindre, les moyens à employer. C’est bien à eux que l’on devra d’en finir.

Ce n’est pas que l’esprit d’invention n’ait fait de son mieux pour trouver le remède. Les commissions administratives ont eu à examiner et à apprécier plus de 500 procédés d’épuration chimique. Aucun, jusqu’à présent, n’a paru susceptible d’une application pratique de quelque importance. L’eau d’égout puisée au grand collecteur est d’une composition assez peu variable, mais en même temps fort complexe. Elle renferme, en effet, par mètre cube, 41 grammes d’azote, 774 grammes de matières organiques, 17 grammes d’acide phosphorique, 31 grammes de potasse, 351 grammes de chaux ; plus 1 kil. 334 de matières minérales. Ces dernières représentent, en grande partie, des sables et des détritus des chaussées, qui sont insolubles et se déposent promptement. Du surplus, la partie la plus notable est dissoute : le reste, composé de particules vaseuses extrêmement ténues, est dans l’eau à l’état de suspension et ne s’en sépare jamais complètement, même après un repos prolongé. Lechatelier, l’un des créateurs de nos chemins de fer, était un vaste esprit, s’intéressant atout ce qui avait un aspect scientifique. Sortant du cercle de ses travaux habituels, il étudia et recommanda l’épuration au moyen du sulfate d’alumine. Les expériences entreprises à son instigation, sur des volumes d’eau considérables, donnèrent des résultats, qui, par certains côtés, parurent d’abord satisfaisans. L’eau, après avoir reçu la solution de sulfate d’alumine, était maintenue au repos pendant un temps assez prolongé dans des bassins de décantation. Elle en sortait limpide et claire. Mais l’analyse chimique révéla qu’elle conservait encore en dissolution la moitié de l’azote et le tiers des matières organiques qu’elle contenait avant l’opération. Elle était clarifiée et non pas épurée. D’autre part, les dépôts boueux qu’elle laissait dans les bassins étaient d’une manutention pénible ; ils se desséchaient lentement, et n’étaient pas d’un pouvoir fertilisant assez grand pour tenter les cultivateurs, à qui on les offrait. Restés en amas, ils ne tardaient pas à fermenter et à répandre des odeurs repoussantes. On calcula enfin que l’application de ce procédé à la totalité des eaux d’alors exigeait la construction de bassins ayant ensemble une superficie de plus de 20 hectares.

La chaux a eu aussi son moment de succès. On a défendu ici même[1], avec autant de talent que de conviction, le procédé de

  1. Voir, dans la Revue du 1er octobre 1880, l’Épuration et l’utilisation des eaux d’égout, par M. Aubry-Vitet.