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les combinaisons variées. Cesse-t-elle, les temporaires associations moléculaires qui constituaient la matière organique sont dissoutes. L’oxygène purificateur intervient. Il s’empare de l’hydrogène, du carbone ; il en fait de l’eau, de l’acide carbonique : même, sous certaines influences, il parvient à vaincre l’indifférente inertie de l’azote. De ce qui a eu vie, l’oxygène refait ainsi de nouveaux composés qui appartiennent à l’ordre minéral. Ils y rentrent, jusqu’à ce que l’infatigable nature, les reprenant dans ce réservoir, toujours vidé, toujours rempli, en refasse les élémens de nouveaux organismes.


La nature ne fait, patiente ouvrière,
Que dissoudre et recomposer…[1].


Au contraire, à l’heure où se dissocie la matière organique, l’oxygène est-il absent ? Est-il en insuffisante proportion ? La nécessaire transformation ne doit pas moins s’accomplir. Mais les phases en seront plus complexes. Sous l’influence des fermens invisibles, entre les élémens de la matière organique, d’autres combinaisons se forment, ammoniaque, gaz hydrocarbures ou sulfhydriques, qui se disséminent et se répandent, recherchant cet oxygène absent, nécessaire à leur définitive évolution. Jusqu’à ce qu’ils l’aient trouvé, ils restent des produits délétères, et les substances dont ils sortent se montrent favorables à la pullulation de ces microbes dangereux, qualifiés d’anaérobics, ennemis de l’oxygène, et entre lesquels se comptent par milliards les germes des contagions funestes à la vie.

On le voit donc : l’eau sera saine, si elle contient à l’état de dissolution une quantité d’oxygène suffisante pour opérer la combustion des matières d’origine organique qui y sont introduites. Malheureusement, la quantité de ce gaz bienfaisant que l’eau est apte à dissoudre est fort limitée. On en trouvera rarement plus qu’un centième de litre dans un litre d’eau de rivière, quoique au laboratoire on puisse en dissoudre un litre dans 21 litres d’eau distillée. Mais cette faible proportion est souvent suffisante. Cette propriété purifiante de l’oxygène explique pourquoi l’empereur Julien trouvait délicieuse et d’une pureté parfaite cette même eau de Seine qui excite si fort aujourd’hui nos soupçons. Lutèce, certainement, pratiquait le tout à la Seine, plus encore que le Paris d’aujourd’hui. Mais tout est affaire de proportion. Le fleuve ayant au moins le même débit autrefois qu’aujourd’hui, son oxygène suffisait à détruire presque aussitôt les quelques litres d’immondices qu’y jetaient les habitans peu nombreux de ce que Julien

  1. Mme Ackermann, le Nuage.