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montrant une défiance significative pour tout ce qui est un véritable acte intellectuel, et une condescendance significative tout autant pour tout ce qui est simple amusement de l’esprit. Point de catholicisme donc ; et pourtant il faut une religion ; la société ne peut pas se passer d’esprit religieux ni de sentiment religieux ; il y a péril de mort à ce qu’une religion disparaisse sans être remplacée par une autre. Reste donc que la France devienne protestante ? Jamais Quinet ne veut le dire formellement. Mais ce qu’il dit toujours, c’est qu’il est extrêmement regrettable que la révolution religieuse n’ait pas réussi en France au XVIe siècle, et même plus tard ; et ce qu’il répète toujours, c’est que la France périra par le catholicisme ou ne sera sauvée que par une révolution ayant un caractère religieux, et fondant une religion.

Cette révolution est nécessaire : l’histoire y tend ; l’histoire universelle n’est que la préface du christianisme définitif de demain. Demain c’est le Credo de Nicée complété. Nicée a décrété « la déclaration des droits de Dieu ; le moyen âge a travaillé à la déclaration des droits de l’Église ; l’assemblée constituante a ajouté à l’antique Credo la déclaration des droits du genre humain. Ces professions de foi semblent d’abord se contredire et se heurter, quoiqu’elles soient nées les unes des autres. Qui les conciliera ? Qui rassemblera dans un symbole nouveau ces fragmens de la législation divine et humaine ? » Voilà le travail de l’avenir. Mais il faut se hâter. On a perdu beaucoup de temps. Les nations protestantes ont fait l’essentiel de cette révolution en gardant le christianisme et en répudiant le catholicisme. Elles n’ont plus qu’à améliorer. Nous, nous avons tout à faire. Nous avons tout à faire, parce que nous avons fait une révolution en 1789, en oubliant cette idée essentielle, cette idée unique, car il n’y en a pas d’autre dans l’esprit d’Edgar Quinet, que toute révolution est religieuse, ou n’est pas. Pourquoi la révolution française a avorté ? Parce qu’elle n’a pas existé. Elle n’a pas été une révolution religieuse, en d’autres termes elle n’a pas été. Elle n’a été qu’un fantôme de révolution. Elle a été éclectique en religion ; elle n’a pas fait choix. Dès lors qu’était-elle ? Spectatrice. Il ne s’agissait pas de regarder, mais de fonder. Aucune fondation humaine, si ce n’est sur une religion nouvelle. Une révolution qui n’apportait pas une religion nouvelle avec elle n’était une révolution qu’en ce qu’elle croyait en être une, et sur cette pensée remuait et secouait beaucoup de choses. De changement, point ; on l’a bien vu l’orage passé. Voulez-vous une preuve ? La révolution sociale était consommée le 4 août 1789. Les restes de la féodalité étaient détruits, l’égalité proclamée et fondée sans retour, ce que demandaient les cahiers de 89 obtenu. Et la révolution continue ! Pourquoi ? D’autres historiens répondent : parce que les