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rencontrées aussi dans le cours d’observations faites par accident, commencèrent à généraliser les idées des industriels et des physiciens du temps. Tel est le commencement des progrès qui ont abouti plusieurs siècles après à la connaissance de l’alcool.

Le cinabre ou sulfure de mercure était employé dès une haute antiquité comme matière colorante rouge (vermillon) ; les Romains le tiraient d’Espagne, où existent encore actuellement les principales mines de mercure de l’Europe. On remarqua de bonne heure qu’en le chauffant dans un vase de fer, pour le purifier, il dégageait des vapeurs de mercure, lesquelles se condensaient sur les objets voisins et spécialement sur le couvercle du vase.

Cette observation devient l’origine d’un procédé régulier d’extraction, décrit par Dioscoride et par Pline.

On plaçait le cinabre dans une capsule de fer, au sein d’une marmite de terre cuite ; on lutait celle-ci avec son couvercle, puis on chauffait. Après l’opération, on raclait le couvercle, pour en détacher et réunir les globules de mercure, qui s’étaient élevés de la capsule. On obtenait ainsi le vif-argent artificiel, auquel les anciens attribuaient des propriétés différentes du vif-argent naturel, je veux dire de celui qui se rencontre en nature dans les mines. C’était là d’ailleurs une illusion, le mercure étant identique, quel qu’en soit le mode d’extraction.

En tout cas, le procédé employé pour extraire le mercure par vaporisation est le même que celui décrit par Alexandre d’Aphrodisie pour rendre l’eau de mer potable ; et ce procédé est devenu le point de départ de l’alambic, comme je vais l’expliquer tout à l’heure.

Un autre procédé rudimentaire, le premier qui ait été appliqué à l’extraction d’une huile essentielle, est décrit par Dioscoride et par Pline. Il s’agit de la distillation des résines de pin, que nous appelons aujourd’hui térébenthines. On les chauffait dans des vases, au-dessus desquels on étendait de la laine : celle-ci condensait la vapeur ; puis on exprimait la laine, de façon à en retirer le produit liquéfié, c’est-à-dire l’essence de térébenthine, appelée alors huile de résine, ou fleur de résine. Elle ne tarda pas à jouer un rôle important dans la composition des matières incendiaires, employées par l’art de la guerre. Mais, au début, ces mots paraissent avoir désigné aussi et simultanément la partie la plus liquide des résines, ainsi que l’eau chargée de leurs principes solubles, qui surnage ces résines au moment de leur extraction, à la façon du sérum du lait ; enfin l’eau distillée et odorante, qui se vaporise en même temps que l’essence. Entre ces diverses matières, si distinctes pour la chimie moderne, il régnait chez les anciens une