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de ces réformes. La plupart de celles qu’ont recommandées M. le docteur Javal, M. le docteur Lagneau, et, à la chambre des députés, M. Édouard Le Roy[1], méritent un sérieux examen. On pourra encore en proposer d’autres, et, comme le dit avec raison M. Jules Simon, qui ne se lasse pas de plaider cette grande cause, la vraie solution ne consistera pas à choisir tel ou tel expédient à l’exclusion des autres, mais à faire intervenir concurremment tous ceux qui, de la part des esprits réfléchis, ne rencontrent pas de fin de non-recevoir absolue. Il y a, en effet, plus d’un but à poursuivre. Avant tout, il faudrait diminuer, diminuer encore, diminuer toujours la mortalité du premier âge, qui reste excessive. La loi Roussel, comme on l’appelle du nom de l’homme de bien qui s’en est fait l’initiateur, a sauvé beaucoup de nouveau-nés dans les quelques régions où l’application en a été conduite avec intelligence et avec dévoûment. Comment se fait-il que tant de départemens aient pu en méconnaître les sages prescriptions ? D’autres modes de protection, visant tour à tour la mère et l’enfant, devront s’ajouter à celui qu’institue la loi de 1874. Sur la répression de l’adultère, sur la recherche de la paternité, sur les secours aux accouchées, mariées ou non, et sur la question des tours, on aura quelque peine, sans doute, à se mettre d’accord ; mais, dans d’autres directions, la ligne de conduite à suivre est toute tracée. L’hygiène et ses lois sont encore lettre morte, non-seulement pour l’immense majorité des familles, mais même pour la plupart des services publics, de sorte que l’État, sans sortir de son domaine propre et sans violenter la liberté individuelle, aurait à réaliser, dès demain, au profit de la santé publique, beaucoup d’urgentes améliorations.

N’arriverait-on pas aussi, avec un peu de diplomatie, à ranimer çà et là les virilités endormies ou paralysées, et à relever progressivement le niveau d’une nuptialité et d’une natalité vraiment insuffisantes ? Il ne s’agit point de décerner aux mères Gigognes des couronnes civiques, ni d’organiser contre les vieux garçons et les vieilles filles des persécutions qui seraient souvent iniques et toujours ridicules. Mais quel inconvénient majeur y aurait-il à rendre les procédures matrimoniales moins compliquées et moins coûteuses, à favoriser davantage, en matière successorale, les partages méthodiques et les indivisions entre cohéritiers ? Pourquoi surtout ne pas adoucir, au profit des familles nombreuses, la sévérité injustifiée des lois fiscales et de la loi militaire ? Puisqu’il est avéré que les stérilités totales ou partielles dont on se plaint

  1. La proposition de loi de M. Le Roy est du 20 juin 1892 (no 2182) et le rapport sommaire qui en demande la prise en considération est du 5 juillet (no 2249). L’exposé des motifs de la proposition est des plus substantiels.