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dollars d’argent un poids et des proportions qui les auraient rendus inacceptables pour le public.

Les intérêts engagés dans cette question étaient trop puissans pour reconnaître aussi facilement leur défaite : le monnayage de l’argent fut maintenu, et on se rabattit sur l’espoir d’une entente avec l’Europe. On recueillit avidement tous les menus faits desquels on pouvait augurer une modification de l’opinion européenne. La chambre de commerce de Liverpool avait voté une adresse au gouvernement, dans laquelle elle rappelait qu’en 1876 elle avait signalé l’opportunité et l’urgence d’une conférence internationale sur la question monétaire. Elle soumettait aux pouvoirs publics les deux résolutions suivantes : « 1° si les principaux pays monétaires, y compris l’Angleterre et l’Inde, s’accordaient pour établir un rapport fixe entre l’or et l’argent et reconnaissaient aux deux métaux une force libératoire illimitée, en en autorisant le libre monnayage, cette mesure serait suffisante pour rendre à l’argent son ancienne valeur monétaire internationale ; 2° il est à désirer que notre gouvernement prenne les mesures nécessaires pour amener un accord international tendant à restituer à l’argent son rôle légitime et à assurer de la sorte au monde un approvisionnement monétaire suffisant. » Bien que la chambre de commerce de Liverpool ne représentât guère, en dehors des armateurs, que les exportateurs de tissus à destination de l’Inde, et bien que d’autres chambres de commerce eussent immédiatement protesté dans les termes les plus énergiques contre les vues exposées par la chambre de Liverpool ; les Américains affectèrent de voir dans l’adresse votée par celle-ci la preuve d’une modification dans l’opinion de l’Angleterre. On fit état également des doléances exprimées au sein du parlement allemand par certains représentans de l’agriculture qui se plaignaient de la raréfaction des espèces métalliques. Enfin, ce qui fut considéré comme un présage de succès, les vicissitudes de la politique amenèrent en France, au département des finances, un bimétalliste ardent. La pensée de provoquer la réunion d’une nouvelle conférence se fit jour aussitôt aux États-Unis. M. Magnin fut, au sein du cabinet français, l’avocat de la proposition américaine, qui fut accueillie favorablement. Lorsqu’un accord préalable se fut établi sur les mesures proposées, des invitations furent adressées aux puissances au nom, conjointement, de la France et des États-Unis, et une conférence, à laquelle prirent part les délégués de quatorze gouvernemens, se réunit à Paris, le 19 avril 1881.

La présidence fut naturellement décernée à M. Magnin, qui a revendiqué comme un honneur, au congrès de 1889, d’avoir « provoqué et présidé » cette conférence de 1881. Le discours qu’il prononça en prenant la présidence ne pouvait laisser aucun doute