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leur liberté d’action. La formule en est très compréhensive, mais l’acceptation ne préjuge rien, et je me rends compte que les États-Unis ont cherché à faciliter autant que possible l’adhésion des diverses puissances. En acceptant cette invitation, nous avons été guidés dans une large mesure par l’extrême intérêt que la question inspire à d’importantes industries, comme celles qui sont ici représentées ; en même temps nous n’avons pas pu perdre de vue les aspirations de l’Inde que la question touche si directement ; mais notre acceptation même m’oblige ici à une discrétion toute particulière. » Les journaux anglais ont fait observer que M. Goschen avait témoigné des dispositions plus favorables dans une autre circonstance, puisque, tout en refusant de rien changer à la législation anglaise, il s’était déclaré prêt, pour favoriser la reprise du monnayage de l’argent par d’autres puissances, à demander à la Banque d’Angleterre d’user de la faculté que sa charte lui confère de faire entrer l’argent dans sa réserve jusqu’à concurrence d’un cinquième, et, en outre, à laisser la frappe de l’argent libre dans l’Inde. La sévérité avec laquelle M. Gladstone a critiqué les idées émises par M. Goschen, au sujet de la situation monétaire, indique suffisamment que le ministère actuel ne se départira pas, en 1892, de l’attitude intransigeante prise par l’Angleterre en 1881. Le président Harrison avait donc raison de se montrer incrédule quant aux chances de succès d’une nouvelle conférence.

Comment en pourrait-il être autrement ? N’est-ce pas une entreprise chimérique que de vouloir imposer aux gens de se servir d’une monnaie dont ils ne veulent pas, quand ils en ont une meilleure à leur disposition ? Pourquoi les Américains sont-ils demeurés sourds aux conseils de leurs présidens qui les invitaient à retirer de la circulation leur papier-monnaie ? Est-ce que la substitution d’écus d’argent aux greenbacks n’eût pas offert un débouché aux produits de leurs mines ? Pourquoi donnent-ils une entorse à leur constitution pour maintenir dans la circulation ces 1,800 millions de papier-monnaie ? Pourquoi préfèrent-ils entasser dans les caves de la trésorerie les écus frappés en vertu du bill Bland et se faire délivrer des certificats de dépôt ? C’est que les greenbacks, revenus au pair depuis 1879, munis de la garantie du gouvernement fédéral et investis du pouvoir libératoire, leur offrent tous les avantages de sécurité et de commodité que nous présentent les billets de la Banque de France. Quant aux récépissés d’argent, échangeables à présentation contre des espèces, ils constituent une seconde sorte de billets, munis d’une garantie métallique, existant dans les caisses de la trésorerie, et ils sont