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le congrès en un corps législatif muet. Il n’en va plus de même quand, le prestige et la popularité faisant défaut au chef du pouvoir exécutif, le conseil fédéral devient une pépinière de candidats à la présidence, empressés à renverser le lendemain l’élu de la veille.

Depuis soixante-deux ans, depuis la mort de Bolivar, libérateur et fondateur de la confédération de Colombie qui, après lui, se scinda en quatre États indépendans : les républiques de l’Equateur, de la Colombie, de la Bolivie et du Venezuela, l’histoire de cette dernière n’est, en effet, qu’une longue série de convulsions politiques, interrompue çà et là par des dictatures pendant lesquelles le pays semble reprendre haleine. Les noms de ces dictateurs sont intimement liés aux grandes mesures politiques, aux grandes œuvres d’utilité publique qui constituent comme autant d’étapes dans la marche en avant du Venezuela. Vargas et Falcon donnent l’impulsion ; Monagas décrète l’émancipation des esclaves ; Guzman et son fils Guzman Blanco gouvernent despotiquement, mais intelligemment, une population plus reconnaissante de la prospérité qu’elle leur dut, qu’irritée du joug qu’elle porta. Le dernier surtout a joué au Venezuela un rôle trop important, et son influence y est trop grande encore, comme on le verra, pour n’en pas dire quelques mots. Bien qu’officiellement il n’ait pas pris une part active aux événemens et s’en soit tenu à distance, son nom y a été mêlé et sa main s’y est fait sentir.

Président à plusieurs reprises, soldat avant d’être homme d’État, il réforma l’armée et l’administration, il restaura les finances et rétablit l’ordre, ouvrit des routes et construisit des voies ferrées. Nul, autant que lui, n’encouragea et n’appela l’immigration étrangère. Cinq millions furent affectés par lui à la création de la colonie qui porte son nom et qu’il fonda pour donner l’hospitalité et du travail aux immigrans. Située entre les villages d’Orituco et de Caucagua, cette colonie se trouve à 100 kilomètres de la mer et à 130 de Caracas. Son étendue est de 555 kilomètres carrés en terrains propres à l’agriculture ; elle renferme cent vingt-cinq plantations de café et de nombreuses plantations de canne à sucre.

Grand propriétaire, sa fortune lui a permis, dans le cours de la guerre civile actuelle, d’avancer, dit-on, au président Palacio, à court d’argent, des sommes considérables. Sa popularité est grande encore, et si Andueza Palacio a pu faire tête pendant des mois à l’insurrection, il l’a dû surtout à ce qu’on le tenait, à tort ou à raison, pour le protégé de Guzman Blanco, lequel, tout absent qu’il était, en imposait à ses adversaires politiques.

D’autres hommes : Palacio et Crespo, le docteur Rojas Paul et Mora, Monagas et Ybarra, ont joué des rôles plus actifs et plus