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l’épilogue de la campagne de deux mois menée contre le capital par ceux que M. Loubet appelait le 8 courant, à la tribune de la chambre, les « missionnaires H de la révolution, les rentes françaises ont encore monté pendant la première quinzaine d’octobre. L’amortissable, il est vrai, n’a pas varié ; on le cote 99.45 comme le 31 octobre dernier, puis le 3 pour 100 a été porté de 99 francs à 9945, et le 4 1/2 a obtenu une avance de 0 fr. 40 à 105.37, après détachement le 1er novembre d’un coupon trimestriel de 1 fr. 125.

La liquidation a été facile, quoique l’argent ait paru un peu plus serré que de coutume. Les disponibilités restent considérables, et l’échéance du troisième trimestre n’a pas accusé des besoins d’une importance exceptionnelle. Aussi la Banque d’Angleterre n’a-t-elle pas eu à élever le taux de l’escompte au-dessus de 3 pour 100. Le Stock-Exchange a été assez animé sur les valeurs de l’Amérique du Sud et les titres miniers de l’Afrique méridionale. En même temps le marché de Berlin, après le déblayage opéré, non sans quelque violence, en octobre, s’est raffermi sur la plupart des fonds internationaux. À Vienne également les tendances sont redevenues optimistes ; la crise ministérielle, survenue en Hongrie, aujourd’hui terminée par le choix du ministre des finances, M. de Weckerlé, comme successeur du comte Szapary à la présidence du conseil, n’a pas exercé d’influence fâcheuse sur la Bourse.

Le succès éclatant obtenu dans l’élection présidentielle qui vient d’avoir lieu le 8 courant aux États-Unis, par le candidat démocrate, M. Cleveland, sur son concurrent républicain, M. Harrison, le président en exercice, a été bien accueilli en Europe, comme la promesse d’adoucissemens prochains à la législation douanière si durement protectionniste, inaugurée en 1890. Le tarif Mac-Kinley ne sera pas purement et simplement abrogé, mais amendé de façon à faire disparaître quelques-uns des traits les moins recommandables de l’œuvre édifiée par le parti républicain. Il est probable, d’autre part, que le nouveau président aura fort à faire pour résister aux efforts de la fraction des démocrates qui rêve l’établissement du double étalon monétaire aux États-Unis.

Tandis que les achats de l’épargne sur le marché du comptant ont contribué pour leur bonne part à la progression de la rente de 99 à 99.45, la spéculation se sent peu encouragée à mettre à profit cet élément de fermeté pour une prochaine reprise du pair de 100 francs. Au point de vue politique, le monde financier regrette de voir s’engager à la chambre, dans de si fâcheuses conditions, le débat budgétaire. Une majorité de hasard, sollicitée par des préoccupations exclusivement électorales, enlève pour 88 millions de francs de ressources à un budget qui avait été si péniblement équilibré. Il faut ou remanier de fond en comble la loi de finances pour 1893, ou renvoyer aux calendes grecques la réforme, déjà tant de fois ajournée, de l’impôt sur les boissons.