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poissons et de légumes, vins en bouteilles, savons, articles de modes, articles de Paris, etc. fin retour, elle demande un certain nombre d’adoucissemens à notre tarif minimum, affectant peu l’ensemble de notre commerce extérieur, et spécialement applicables à divers articles d’exportation de la Suisse en France.

S’il se trouve, dans la chambre, une majorité protectionniste assez obstinée pour ne rien vouloir détacher du tarif de janvier 1891, immédiatement nos produits perdront le bénéfice du tarif conventionnel suisse dont ils jouissent depuis le 1er février 1892, et les droits du tarif général leur seront rigoureusement appliqués. Or la différence des droits représente, dans la plupart des cas, une telle surcharge pour nos produits que ceux-ci ne pourraient plus soutenir la concurrence contre les marchandises similaires des pays unis à la Suisse par des traités de commerce. Qu’on ne se paie donc pas d’illusions, la Suisse ne reculerait pas devant la crainte du ressentiment que pourrait exciter en France l’application du tarif général helvétique. Si nous voulons une guerre de tarifs, elle est prête à la soutenir, et elle a moins à y perdre que nous, puisqu’elle ne nous vend que pour 103 millions, alors qu’elle fait chez nous pour 235 millions d’achats.

Dernier point à observer. La convention littéraire du 23 février 1882, qui accompagnait notre traité de commerce de cette même date, a été dénoncée par la Suisse le 21 janvier 1891 et a cessé de produire ses effets depuis le 1er février dernier. Depuis ce temps, les droits de nos auteurs et éditeurs n’ont plus été protégés en Suisse que par la convention internationale de Berne, du 9 septembre 1886, et par la loi fédérale du 23 septembre 1883, protection insuffisante sur plusieurs points. C’est pour « préciser et étendre la protection réciproquement assurée aux auteurs, éditeurs et artistes par les lois des deux pays et par la convention de Berne » que le gouvernement français a signé avec la Suisse, le 23 juillet dernier, une convention pour la garantie réciproque de la propriété littéraire et artistique, convention soumise en ce moment, avec le reste des arrangemens, à l’examen des chambres. Il n’est pas besoin de dire que la Suisse ne ratifierait pas plus la convention littéraire et artistique que la convention commerciale, si nous nous montrions intraitables sur notre tarif minimum.


IV.

L’Europe a présenté pendant les derniers mois de l’année 1891 un spectacle vraiment curieux. D’un côté, notre législature, emportée par la fièvre protectionniste, et que les lauriers du fameux