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major américain, M. Mac-Kinley, empêchaient, sinon de dormir, au moins d’être politiquement lucide, travaillait avec une hâte impatiente à l’élaboration des tarifs maximum et minimum, et déclarait une guerre sans merci aux traités de commerce, accompagnés de tableaux indiquant des droits de douane, et établis sur le modèle de ceux de 1860. D’autre part, au-delà de nos frontières, l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, l’Italie, la Belgique et la Suisse précipitaient, dans l’ombre discrète des entrevues diplomatiques, la conclusion de longues négociations et surprenaient tout à coup le continent et les deux mondes par l’annonce solennelle de la signature simultanée de traités de commerce liant pour une période de douze années les cinq pays.

À l’apparat que nos protectionnistes avaient été amenés à donner au succès de leur doctrine, nos voisins semblaient vouloir opposer une mise en scène plus sensationnelle encore pour la présentation de leurs traités à l’opinion publique européenne. C’est le 6 décembre 1891 que les cabinets de la triple alliance ont signé ces instrumens dont la teneur avait été si longtemps débattue entre leurs négociateurs. Dès le lendemain, le texte en était communiqué aux parlemens de Berlin, de Vienne, de Pesth et de Rome. Deux jours plus tard, les traités entre la Belgique, la Suisse et les pays de la triple alliance étaient également signés et publiés. Le 18 du même mois, le Reichstag avait déjà terminé l’examen de ces conventions commerciales à échéance fixe et lointaine, et les votait par 243 voix contre 48. Les traités doivent rester en vigueur du 1er février 1892 jusqu’au 31 décembre 1903, et continueront ensuite à lier les parties jusqu’à ce qu’ils soient dénoncés.

Les principales réductions que se sont consenties les pays signataires des traités ne sont pas de nature à modifier radicalement toutes les relations commerciales, car elles dépassent rarement de 20 à 25 pour 100. Si nous comparons notre tarif minimum, même avant les atténuations probables, avec les tarifs de la triple alliance, on constate que ceux-ci frappent de droits plus forts que les nôtres, les lainages, la plupart des matières premières, les vins et en général les denrées alimentaires. D’ailleurs, bien que les négociateurs allemands, austro-hongrois et italiens se soient efforcés de combiner les tarifs, de façon à réduire le plus possible les avantages que nous réserve la clause de la nation la plus favorisée (article 11 du traité de Francfort), nous bénéficierons toujours, dans une certaine mesure, des concessions accordées par l’Allemagne à la Suisse, à l’Autriche, à la Belgique, à la Hollande, à l’Angleterre et à la Russie. Nous ne serons exclus que des avantages consentis à l’Espagne, à l’Italie et aux États-Unis. C’est donc moins encore la lettre même des tarifs que l’esprit dans lequel ils