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Assis sur un fagot, une pipe à la main,
Tristement accoudé contre une cheminée,
Les yeux fixés en terre, et l’âme mutinée,
Je songe aux cruautés de mon sort inhumain…


Citerai-je encore la Débauche avec le « mouvement » qui termine la pièce, et que Musset un jour ne devait pas dédaigner de reprendre dans sa Nuit d’octobre ?


Bacchus, qui vois notre débauche,
..........
Par ta couronne de lierre.
Par la splendeur de ce grand verre,
Par ton thyrse tant redouté,
..........
Par les hurlemens des Ménades,
Par le haut goût des carbonnades,
Par tes couleurs blanc et clairet,
Par le plus fameux cabaret,
Par le doux chant de tes orgies,
Par l’éclat des trognes rougies,
..........
Par le tambour et la cymbale,
Par tes cloches qui sont des pots.
Par tes soupirs qui sont des rots,
Par tes hauts et sacrés mystères,
Par tes furieuses panthères.
..........
Reçois-nous dans l’heureuse troupe
Des francs chevaliers de la coupe ;
Et pour te montrer tout divin,
Ne la laisse jamais sans vin.


Il y a certes là de la verve, ou même quelque chose de plus, que l’on verrait encore mieux, si la pudeur ne m’obligeait à faire quelques coupures. Et, cependant, on aura beau dire, multiplier les citations et les comparaisons, parler de Rubens et de Téniers, traiter, d’ailleurs Boileau de pédant, et Malherbe de « droguiste, » on ne leur égalera jamais dans l’histoire de la littérature, sinon dans celle de la curiosité, ni Saint-Amant ni Théophile. Pourquoi cela ? C’est que l’un et l’autre, avec tout leur talent, ne sont en somme que des attardés ; c’est qu’en persistant toute leur vie dans l’indépendance ou plutôt dans l’irrégularité littéraire, ils se sont eux-mêmes comme retranchés ou exclus de l’histoire ; c’est qu’enfin toute leur originalité, mal gouvernée, s’est insensiblement réduite à se vêtir encore au temps de Louis XIII et d’Henri IV comme on faisait à la cour de Charles IX ou d’Henri II. Lyriques d’ordre