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dans l’humanité un degré d’évolution supérieur[1]. Je ne serais pas étonné que ce fût l’opinion secrète de nombre de Juifs. Est-ce vrai, c’est là une de ces vérités qu’Israël doit se garder de faire sonner trop haut, car elle risquerait de lui valoir bien des ennuis. De toutes les supériorités, celle de race est peut-être celle que les hommes admettent le moins volontiers. On n’aime pas confesser qu’on appartient à une race mal douée. Par bonheur pour nous, et aussi pour les Juifs, nous n’en sommes pas encore réduits là. Nous verrons tout à l’heure que certains croient avoir de quoi rabattre l’orgueil des « sémites » et persistent, malgré tout, à les regarder comme une race inférieure.

Cette fréquente supériorité du Juif, comment l’expliquer ? Pour ma part, je n’en suis pas embarrassé ; elle s’explique par ce que j’ai déjà dit, par son éducation historique, par l’antiquité de sa culture, par le long entraînement que lui ont donné les siècles, par la sélection héréditaire en un mot, sélection cruelle de deux mille ans de souffrances et d’efforts. Je ne vois là ni mystère, ni fatalité de race. Un fait plus singulier, c’est que la proportion des hommes distingués, des eminent men, comme disent les Anglais, est encore plus considérable, — elle devient tout à fait extraordinaire, — lorsqu’il s’agit d’hommes de demi-sang juif[2]. Nous en rencontrerons tout à l’heure des exemples. La chose est d’autant plus étonnante que plus rares ont été longtemps les mariages entre Juifs et chrétiens, la loi ancienne et la loi nouvelle y répugnant presque également. Ce serait à faire suivre le conseil donné, avec une tout autre intention, par ce grand humoriste de Bismarck : « Croisez un étalon chrétien avec une pouliche juive. » Ironie des choses ! En contractant de semblables alliances la noblesse besogneuse, jalouse de fumer ses terres, et la banque israélite, avide de s’ouvrir les salons mondains, travailleraient, à leur insu, au relèvement de l’espèce ; la cupidité aryenne et la vanité sémitique seraient dupes de la bonne nature qui ne songerait qu’à procréer des enfans d’élite. Ce n’est point, par malheur, qu’elle y réussisse toujours ; et quand il en serait souvent ainsi, peut-être n’y a-t-il là qu’un cas particulier d’une loi générale, un exemple nouveau de l’avantage du croisement des races voisines.

Naturellement, les fils d’Israël ne se montrent pas également bien doués dans toutes les sphères de l’activité humaine. Les arts et les sciences où ils se sont le plus distingués, c’est, d’après les calculs de notre auteur, la musique, l’art dramatique, la poésie,

  1. Luc. Wolf, What is Judaïsm, Fortnightly Review ; August,1884.
  2. Voyez J. Jacobs, ibidem. Le fait, d’après lui, avait déjà été remarqué par M. Grant Allen, Mind, t. VIII, p. 504.