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plus, est-ce toujours le régime parlementaire ? Quand des présidens du conseil abaissent leurs fonctions jusqu’à se faire les complices directs ou indirects des distributions de fonds d’une compagnie ou jusqu’à introduire des financiers véreux dans les affaires de l’État, est-ce décidément le régime parlementaire ? Est-ce que tout cela enfin, un président qui ne peut exercer ses droits, une chambre qui dépasse les siens, un sénat qui subit tout, des ministères qui se forment au hasard, c’est le régime parlementaire ? C’est la dérision de tous les régimes !

Assurément, nous le savons bien ; le régime parlementaire n’est pas le remède à tous les maux, et en France, comme dans tous les États, il a lui-même ses faiblesses ; mais là où il est sérieusement pratiqué et respecté, s’il survient des incidens comme cette triste affaire de Panama, il y a des pouvoirs intacts qui restent la force de préservation du pays. Qu’on parle tant qu’on voudra, dans un moment de désarroi, de la république conventionnelle ou de la république consulaire, en opposant l’une ou l’autre à la république constitutionnelle : le remède serait probablement pire que le mal ; ce serait le consulat sans le premier consul ou la convention sans les tragiques circonstances qui ont expliqué cette terrible concentration de la puissance révolutionnaire. Le régime parlementaire, dans sa vérité, a cet avantage sur tous les autres que, par sa nature, il est une garantie contre tous les excès, contre les oscillations violentes, et qu’il porte en lui-même, si on le veut, si on sait l’y chercher, une force suffisante de redressement et de réparation.

Non, ce qui arrive n’est pas la faute des institutions ; c’est la faute de ceux qui les ont altérées, au point de laisser le pays livré sans garantie, sans défense, aux hasards d’une crise obscure et redoutable. Le vieux mot est toujours vrai : il n’y a pas de mauvais outils, il n’y a que de mauvais ouvriers ! Ce sont les ouvriers qui ont été mauvais, qui ont tout gâté, tout perverti ; ils ont épuisé les faveurs de la fortune aussi bien que la confiance publique, — et au milieu des événemens que nous traversons, s’il y a une chose évidente, c’est que le moment est venu de se ressaisir, de remettre la vérité dans les institutions, de se dégager de toutes les solidarités malfaisantes. Ceci est d’abord, si l’on veut, l’affaire du gouvernement, — de ce ministère dernier-né, qui a pris une mission assurément difficile, qui a montré quelques bonnes intentions, même du courage, mais qui se ressent encore du passé, des vieilles habitudes de parti ; c’est aussi, qu’on ne s’y trompe pas, l’affaire de tout le monde.

C’est l’intérêt public qui domine tout, — et c’est ce qui fait qu’on ne comprend pas bien la tactique, le vote des constitutionnels, de ceux qui s’appellent des « républicains ralliés, » le jour où M. le président du conseil, pour son début, réclamait contre une partie de la chambre, contre