Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 115.djvu/419

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

promesses d’avenir que nous a révélées leur exposition de peinture de 1889.

Si donc, au point de vue de la culture intellectuelle, l’homme a, en grande partie, repris possession du terrain occupé par la femme, s’il a non-seulement diminué la distance qui le séparait d’elle, mais encore reconquis l’avantage que lui assurent, partout ailleurs, des facultés plus puissantes, une organisation plus robuste, une volonté plus soutenue, il est toutefois un domaine social dont il ne pourrait ni ne voudrait la déposséder parce que ce domaine est celui des traditions, des concessions par lui laites, par elle acceptées et étendues. Et ici apparaît le contraste entre les idées respectives de la race anglo-saxonne et de la race latine, l’antithèse entre la conception de l’Orient et celle de l’Occident, dont les deux pôles extrêmes sont l’Asie et les États-Unis, dont le terme moyen se trouve dans l’Europe centrale et méridionale. À ces deux pôles correspondent en effet un maximum et un minimum de personnalité humaine. Nulle part cette personnalité n’est aussi intense qu’aux États-Unis ; nulle part elle ne l’est moins que dans l’extrême Orient.

L’Angleterre a transmis aux États-Unis, avec ce fond de personnalité propre à la race et plus accentué que partout ailleurs en Europe, ce respect de l’individualité qui, de bonne heure, se fit jour dans les lois et les institutions britanniques. Ce sera son éternel honneur d’avoir, la première, affirmé les droits de l’individu, d’en avoir, par l’habeas corpus, fait la pierre angulaire de sa constitution. Dans l’organisation sociale, dans les mœurs et dans les coutumes il n’en allait pas de même ; certaines contradictions inhérentes à des causes historiques, à des traditions féodales, à des us monarchiques, persistaient ; la distinction des classes, le droit d’aînesse, l’autorité du chef de famille, la condition subordonnée des femmes, se conciliaient mal avec le principe d’individualité et d’égalité, mais, sur cette terre classique des compromis, l’accord devait se faire, ce n’était qu’une question de temps ; l’idée juste, profondément ancrée dans la conscience et dans l’esprit, devait écarter peu à peu les obstacles qui s’opposaient à sa réalisation. L’accord se fit, en Angleterre, plus encore dans le fond que dans la forme ; la façade extérieure resta la même, féodale et monarchique, mais derrière ce décor d’un autre âge un monde nouveau a surgi. De la distinction des classes on ne garda que ce que l’on estimait nécessaire au maintien de la forme monarchique ; la pairie héréditaire ouvrit ses rangs aux sommités intellectuelles. Du droit d’aînesse découla l’indépendance des cadets de famille affranchis d’une autorité paternelle, despotique du jour où elle était sans compensation d’avenir. La femme, enfin, non dotée, devint plus libre dans