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bénédictions, à trois étages et en arcades, que les anciennes Vues de Saint-Pierre placent à droite, dans un coin de la plate-forme, tout près du palais pontifical, ne datait que des derniers temps : elle était l’œuvre de Pie II et de ses successeurs dans la seconde moitié du XVe siècle. Du côté opposé, à gauche, au sud, le vaste palais de l’archiprêtre, également un ouvrage du XVe siècle, a remplacé, ce semble, un ancien hospice pour les pèlerins.

Une cour oblongue et découverte, — un atrium[1], — précédait la basilique proprement dite ; elle allait du fond de la terrasse jusqu’au seuil de l’église actuelle au-delà du vestibule de Maderna. La cour avait beaucoup souffert de l’outrage du temps et des ravages des hommes ; au commencement du XVIe siècle, elle apparaissait bien déchue de sa splendeur d’autrefois, alors que son intérieur était planté d’une profusion d’arbres symboliques, — palmiers, cyprès, oliviers et rosiers, — et orné tout autour d’un beau portique corinthien. Toutefois la rangée occidentale du quadriporticus demeurait encore entière ; du côté opposé, à droite de l’entrée, un clocher de l’époque carlovingienne dessinait dans les airs son élégant profil, et le célèbre cantharus du milieu ne cessait d’exciter l’admiration. C’était une magnifique fontaine entourée de huit colonnes de porphyre et abritée sous un toit doré avec force dauphins, paons et dragons. Une colossale pomme de pin en bronze, qu’on disait provenir du mausolée d’Adrien, formait le tronc du jet d’eau : Petrus Mallius, un chanoine du XIIe siècle, parle pertinemment d’un tuyau de plomb introduit dans le corps du cône et des trous pratiqués dans les écailles. Pour donner la mesure du terrible Nemrod, le fondateur de Babel, qu’il avait rencontré au plus profond cercle de l’enfer, Dante dit que la tête du géant lui parut « longue et grosse comme la pomme de pin à Saint-Pierre à Rome, les autres membres étaient à l’avenant. » L’énorme morceau de bronze est parvenu jusqu’à nous et ne laisse pas d’embarrasser nos archéologues : ils ne découvrent pas à la pigna les trous affirmés par Petrus Mallius ! N’insistons pas sur le sujet douloureux ; Dante termine précisément son épisode de Nemrod par le vers magistral :

Lasciamolo stare, e non parliamo a vôto…

  1. L’ancienne basilique chrétienne comprenait un atrium, un narthex et l’église proprement dite. L’atrium était une grande cour sans toit, avec une fontaine de lustration (cantharus) au milieu ; c’était dans cette cour que se tenaient les pénitens. Le narthex ou vestibule, couvert et beaucoup plus étroit, faisait corps avec l’église et était destiné aux catéchumènes. La basilique de San-Clemente à Rome donne l’idée la plus nette de cette configuration.