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Raphaël ont reproduite dans les Stances[1], raconte que l’empereur Constantin était venu travailler de ses propres mains aux fondemens de Saint-Pierre et y remplir de terre douze paniers en mémoire des douze apôtres : il n’a pas négligé, dans tous les cas, je suppose, d’y faire travailler ses meilleurs architectes. Ce n’étaient pas, somme toute, des esprits médiocres, ceux qui, les premiers, ont eu l’idée d’adapter les formes de la basilique profane, — à la fois bourse, marché et tribunal, — aux besoins tout nouveaux d’un culte au plus haut point spiritualiste : la conception fut si heureuse, si magistrale, qu’elle a prévalu en principe et jusqu’à nos jours dans toutes nos constructions religieuses. Sans doute, l’exécution dans le détail, dans l’ornementation, dans les parties qui touchaient de près à la sculpture, était bien défectueuse et se ressentait du dépérissement général de tout sens plastique. Les cent colonnes de l’intérieur étaient probablement rapportées toutes ou en partie ; les chapiteaux étaient de styles divers, de valeur et de grandeur très inégales : mais cette forêt de cent monolithes n’en devait pas moins produire un effet immense, subjuguant. Qu’on songe seulement à l’impression que nous fait sous ce rapport Saint-Paul-hors-les-murs, malgré son ensemble si déplorablement modernisé, malgré le ton criard de ses ornemens, le luisant et le miroitant de son plafond, de son pavé et de ses marbres ! .. Le toit en charpente, le pavé en opus alexandrinum, et jusqu’à la vétusté des matériaux ont dû, dès les premiers jours, estomper l’intérieur de l’église vaticane, lui créer une atmosphère, j’allais dire une patine harmonieuse que la profusion de peintures et de tentures (vela) n’a pas tardé de rendre encore plus intense. La figure colossale du Christ sur le trône et donnant la bénédiction, les représentations symboliques de l’Agneau et des fleuves du paradis, des récits de l’ancien et du Nouveau-Testament, des scènes de la vie des apôtres, couvraient les profondeurs de l’abside, les larges surfaces de l’arc triomphal, les murs exhaussés de la grande nef ; la décoration s’étendait aux parois du narthex et de l’atrium : la célèbre navicella de Giotto brillait à l’intérieur de cette cour, à l’est, au-dessus de l’entrée principale. J’aime à me représenter l’aspect de cette église, — orientée au couchant, comme la plupart des églises des premiers temps, — j’aime à me la représenter pendant la Missa solemnis, au moment surtout de l’Élévation, les

  1. Vatican, salle de Constantin, à droite, au-dessous de la fresque du Baptême.