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Les ports maritimes dont l’avenir paraît le plus assuré se trouvent situés sur une voie navigable. Tels sont : Londres, Anvers, Hambourg, Liverpool, Le Havre, Rotterdam, Calcutta, Saigon, New-York, New-Orléans, Buenos-Ayres et Montevideo, pour ne citer que les plus considérables.

Marseille occupe le huitième rang parmi les grands centres commerciaux du monde entier et le premier parmi les ports français. Cependant elle n’est pas située sur un fleuve ; elle n’est traversée ni par une rivière, ni par un canal. Pourquoi ses créateurs ont-ils choisi l’emplacement qu’elle occupe et n’ont-ils pas établi ses fondations à l’embouchure du Rhône ? Cette particularité tient à plusieurs causes. Le delta du Rhône, irrégulier et d’une mobilité excessive, est difficilement praticable ; il est, en outre, couvert de lagunes et de marécages dont les eaux croupissantes engendrent des fièvres paludéennes. On devait hésiter à élever là une ville. Puis, la position de Marseille est, par ailleurs, si exceptionnellement favorable que l’on n’avait pas même songé jusqu’à ces dernières années à remarquer cette anomalie.

L’Europe du Nord, séparée des contrées que baigne la Méditerranée par une chaîne ininterrompue de massifs montagneux, n’a d’autre voie naturelle pour atteindre cette mer que la vallée du Rhône. Il a suffi à la cité phocéenne d’être placée à l’entrée de cette vallée pour qu’elle se trouvât comme à cheval sur l’un des principaux courans d’échanges et devînt rapidement un port, un entrepôt, un marché importans ; d’autant plus que, pendant longtemps, le trafic des nations policées fut concentré sur les bords du grand lac intérieur dont elle semblait appelée à demeurer la reine incontestée. Et, quand fut percé l’isthme de Suez, le bénéfice de cette situation privilégiée s’accrut du nouvel essor que prirent les relations internationales avec l’extrême Orient.

L’utilisation de la vapeur par l’industrie et le développement des chemins de fer devaient troubler et compromettre cette paisible possession d’état. Des pays qui s’étaient montrés jusqu’alors insoucieux ou incapables de prendre part à la lutte économique ont fièrement relevé la tête. Ils ont visé le grand marché de la Méditerranée, et les tunnels du Brenner, du Mont-Cenis et du Saint-Gothard leur en ont ouvert l’accès.

Des ports qui eurent, à leur moment, une renommée universelle : Venise, Gênes, Trieste et Salonique, semblent maintenant renaître et se préparer à de nouvelles destinées. Car, — ils le sentent bien, — le courant commercial qui part de l’Angleterre, du Nord et du Centre de l’Europe pour aller, en passant- par Suez, s’épandre jusqu’aux confins de l’Asie, ce courant a une tendance manifeste à se déplacer vers l’Est. Aussi chacun d’eux se croit-il