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qui doit rendre au commerce français de si grands services, et le supplie, non-seulement d’y donner suite, mais encore d’apporter à son exécution toute la célérité possible. »

Tout était donc prêt, et, depuis lors, rien n’a été fait.

C’est en vain que tous les corps constitués, à maintes et maintes reprises, et chacun dans leur sphère, ont rappelé au gouvernement les engagemens qu’il avait pris. C’est en vain qu’une commission spéciale nommée en 1890 chercha à faire aboutir cette question et que M. George Borelli lui adressa un rapport aussi remarquable que concluant… Vox clamans in deserto !


IV

Cette inaction est d’autant plus lamentable que l’ajournement de la jonction du Rhône à Marseille est la véritable cause d’un second scandale économique, la non-utilisation de l’étang de Berre.

Le lac connu sous ce nom ne rappelle les étangs occidentaux ni par sa configuration, ni par l’aspect et la nature des terres qui l’entourent. C’est une côte rocheuse et non une flèche de sable qui le sépare de la Méditerranée. Au lieu d’être géologiquement une apparition passagère comme les étangs de Thau, de Maguelonne, de Mauguio, il appartient au relief général de la contrée et constitue un vrai golfe. Alors que sur les côtes dangereuses on crée des ports artificiels conquis sur les eaux profondes, arrachés à la zone des tempêtes, on s’étonne de voir un aussi admirable bassin absolument désert depuis quinze siècles, car les Romains y avaient un port. À peine aperçoit-on à sa surface quelques barques de pêcheurs ; les navires de commerce, les caboteurs ne le visitent jamais, car on ne trouve sur ses rives aucun centre industriel, mais seulement une usine de produits chimiques et des marais salans.

D’après la carte hydrographique levée en 1844 et contrôlée depuis par une nouvelle exploration, l’étang de Berre offre aux navires du plus fort tirant d’eau un mouillage de très bonne tenue, ayant plus de cinq mille hectares de superficie, soit sept fois l’étendue de la rade de Toulon.

De temps immémorial, on s’occupe de l’étang de Berre, mais sans jamais mettre la main à l’œuvre.

En 1867, au sénat, dans la séance du 16 mars, à propos d’une pétition du baron de Rivière, réclamant des ports de refuge dans le Bas-Rhône, en particulier, le général marquis de Laplace, rapporteur de la commission chargée d’examiner la pétition, se livra sur ce sujet à des développemens d’une haute portée et dont la précision était le résultat d’une étude approfondie.