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la bêche des ouvriers de Schliemann a déterrés, grâce aussi à la pénétration des érudits qui se sont appliqués à étudier tous ces objets, on peut dès maintenant se hasarder, sans présomption, à donner une idée de ce que fut, dans ses grandes lignes, la civilisation mycénienne.


I.

Les mots civilisation mycénienne, style mycénien, art mycénien, étaient encore inconnus quand, jeune membre de l’École française d’Athènes, en 1856, je gravis pour la première fois les pentes du coteau de Tirynthe et de la montagne de Mycènes. Si quelque archéologue s’était avisé alors de les employer, ils n’auraient pas présenté de sens nettement défini, tandis qu’aujourd’hui, pour tous ceux qui sont initiés à nos études, ils éveillent aussitôt la pensée d’une période bien déterminée et d’un ensemble de formes très particulières, qui en caractérisent l’architecture, la sculpture et la peinture, ainsi que toute l’industrie. La raison de ce changement est facile à saisir. De toutes les découvertes par lesquelles Schliemann s’est illustré, les plus importantes sont celles qu’il a faites à Mycènes même et elles ont confirmé la tradition antique : c’est bien Mycènes qui a été la capitale de l’État le plus puissant qui se soit constitué, avant l’invasion dorienne, dans la Grèce continentale. Malgré la diversité des points sur lesquels ont été retrouvées les traces de cette couche préhistorique, on a donc été fondé à introduire dans la langue de l’archéologie, pour désigner tout ce qui se rapporte à ce premier âge, des termes dérivés du nom de la cité où régnaient les Atrides.

Les fouilles de Mycènes ont d’ailleurs été les premières qui aient mis les archéologues en présence de monumens qui ne rentraient dans aucune des catégories établies par les maîtres de la science. Nous ne saurions retracer ici toute la suite de ces découvertes, campagne par campagne ; mais il convient d’indiquer tout au moins dans quelles conditions s’est produite la trouvaille inattendue qui a donné le signal de tout un mouvement de recherches que, malgré la mort de celui qui a donné l’impulsion initiale, continue à poursuivre tout un groupe d’explorateurs ardens et sagaces.

On sait que Mycènes se dressait sur une haute colline qui, comprise entre deux profonds ravins, domine de loin la plaine d’Argos. Le site de cette ville est un des premiers qu’aient identifié les voyageurs antiquaires qui, vers le commencement de ce siècle, ont commencé de visiter la Grèce. On sait aussi que, d’après