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point de vue : comme héritier des domaines de la couronne ; car le roi était aussi un très grand propriétaire. Depuis le commencement du XVIe siècle, même depuis 1475, des édits innombrables avaient fieffé à perpétuité des terres « vaines et vagues ; » ces terres avaient été, selon l’expression des États de Normandie, « approfitées, mainbonies » et mises en valeur ; et plusieurs fois, depuis Henri IV, le gouvernement avait trouvé moyen d’augmenter la rente payée par les acquéreurs primitifs, qui avaient eu ces terres pour un loyer d’un ou deux sous l’hectare, en les menaçant d’une « revente du domaine royal. » Il avait fait de même avec les « engagées » du domaine, qu’il obligeait de temps à autre à financer à ses coffres, pour conserver leur jouissance précaire. Tous ces usagers devinrent, par le décret de la constituante, des propriétaires inexpugnables.

Enfin beaucoup de communes furent dépossédées sans retour, de surfaces qu’elles n’avaient aliénées qu’à titre conditionnel ou viager. On avait poussé assez largement, au XVIIIe siècle, à l’imitation de ce qui s’était fait en Angleterre par les soins du parlement, et en Prusse par la volonté du grand Frédéric, au partage des communaux. Dans telle province, comme l’Artois, les concessions furent perpétuelles ; mais en Flandre elles étaient viagères, et retournaient à la communauté au décès des usufruitiers. En Bourgogne, le lot attribué aux chefs de famille était héréditaire, avec cette clause qu’à défaut de descendance directe, la terre serait de nouveau tirée au sort. La révolution rendit tous ces partages définitifs.


III

Mais en même temps la révolution simplifia, fortifia la propriété individuelle, et la réforme qu’elle accomplit servit ainsi puissamment les intérêts de l’agriculture et par suite ceux de tous les détenteurs du sol.

Que signifient ces formalités solennelles, cette présence de nombreux témoins qui, sous l’ancien régime, accompagnent encore en tant de provinces la prise de possession d’un bien foncier, même d’un bien de médiocre importance, sinon l’inquiétude du nouvel acquéreur de voir son droit méconnu, discuté ou paralysé, par quelqu’une des mille transactions antérieures, dont ce bien a pu être l’objet depuis un temps immémorial ; transactions qu’il craint toujours de voir surgir devant lui, sous une forme quelconque, grâce à une charte tirée de la poussière, à une coutume malicieusement interprétée ? Jamais il ne croit, pour éviter de pareils accidens, en avoir fait assez. Le procès-verbal d’une vente de maison,