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la première fois, et c’est l’impression ressentie ce jour-là que nous tâcherons d’évoquer. Nous la choisirons comme étant la plus vraie et la plus naturelle pour les Occidentaux. Ce n’est pas que les sensations que nous avons éprouvées dans nos visites ultérieures, en abordant la vieille métropole par d’autres côtés, aient été moins fortes ni moins caractéristiques. Nous avons retrouvé le même intérêt et la même émotion en la revoyant sous le jour opposé, en arrivant du côté de l’Orient, après la traversée des montagnes du Pamir et des déserts de Mongolie, comme l’avait contemplée douze siècles avant nous le savant mandarin et géographe Hiouen-Tsang, dont nous n’osons nous dire qu’avec respect l’humble émule et continuateur.

La voie ferrée, dans la dernière partie de son parcours, long de 1,400 kilomètres, qui relie aujourd’hui le rivage oriental de la mer Caspienne aux grands centres populeux de la Boukharie, remonte la vallée du Zerafchane, le Sogd ou Polytimetus des anciens. Les innombrables dérivations de cette grande rivière arrosent l’oasis de Samarkande, ainsi que les autres oasis qui lui font suite en aval jusqu’à 300 kilomètres, en amont jusqu’à la sortie des montagnes, et dont le sol fertile constituait l’ancien pays de Sogdiane, l’une des provinces de l’empire perse et plus tard de l’empire d’Alexandre.

Ce chemin de fer, il faut le dire, est, jusqu’à présent, discret et n’a rien profané au point de vue artistique. Son voisinage nuit aussi peu que possible à la physionomie et à la noblesse de la vieille cité. La gare, qui forme pour le moment le point terminus du Transcaspien, est invisible de la ville ; elle en est séparée par plusieurs plis de terrain qui en dérobent la vue et par six kilomètres d’oasis, où sont éparses et dissimulées, au milieu de peupliers et de saules, les constructions nouvelles qui constituent la ville russe. C’est longtemps après avoir quitté la gare, quand on a cheminé pendant plus de quatre kilomètres à travers les plantations de grands arbres faites à profusion par les nouveaux conquérans, que l’on aperçoit tout à coup, comme un décor merveilleux, le panorama de l’ancienne capitale du deuxième empire mongol.

Toutefois, ce coup d’œil déjà imposant que l’on peut avoir lorsque l’on aborde Samarkande en arrivant du chemin de fer, c’est-à-dire de l’ouest, même lorsqu’elle apparaît à découvert, n’est encore que partiel : les monumens ne sont pas répartis de la manière la plus favorable à la vue prise de ce côté, et la plaine ne présente aucun point culminant d’où l’on puisse découvrir à la fois le panorama complet.

L’aspect est beaucoup meilleur et plus frappant quand l’on