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la poitrine. Pour juger de l’effet, on n’a qu’à jeter les yeux sur certains portraits de Mme Schliemann, pour lesquels elle a posé avec ces bijoux qu’elle avait aidé à retirer de leur cachette[1]. Je ne sais rien qui y ressemble ni dans les bijoux trouvés à Mycènes, ni dans ceux qui relèvent de l’art classique ; dans les dispositions de ce somptueux joyau, il y a de l’élégance, mais une élégance étrange, où l’on sent je ne sais quel arrière-goût de barbarie.

Parmi les vases d’argent, il en est sans anses, dont le galbe rappelle celui des plus vieilles poteries ; on les suspendait par des anneaux soudés à la panse. La forme a plus de liberté dans certaines coupes allongées, à deux becs. Des barres d’argent, dont le poids varie entre 171 et 174 grammes, peuvent avoir été, comme les talens d’Homère, une valeur d’échange, la monnaie de ce temps-là.

Avec les bijoux il y avait des armes ; celles-ci sont faites de bronze, mais d’un bronze qui est encore très pauvre en étain. Cet alliage est pourtant déjà supérieur au cuivre pur, et c’est ce qui explique que ces armes aient été, elles aussi, serrées dans la caisse ; les chefs étaient peut-être alors seuls à se servir d’armes de bronze ; aussi ces lames plus tranchantes recevaient-elles des montures de luxe ; tel un manche de couteau en ivoire qui représente un animal au repos. Les pointes de flèche en obsidienne et en silex sont très nombreuses ; mais on rencontre aussi des tiges minces de cuivre, aiguisées à l’un des bouts, qui ont dû remplir cette même fonction. Il n’a pas été trouvé d’épées.

Tous ces métaux étaient mis en œuvre sur place, d’où que vînt le minerai. Par leur forme, quelques-uns des vases d’argent font penser aux canopes égyptiens ; mais ils offrent en même temps des particularités qui les rattachent à la poterie locale. Il en est de même des bijoux ; le goût n’en est celui d’aucun autre des peuples de l’antiquité ; il y entre des pièces dont le modèle paraît fourni par la pierre et la terre cuite. Enfin, cette même couche de débris a livré, en assez grand nombre, les moules en schiste micacé où se coulaient les couteaux et les têtes de lances. Ce qui témoigne de la dextérité qu’avaient acquise dès lors les artisans qui travaillaient le métal, c’est l’aisance avec laquelle ils pratiquaient l’opération toujours délicate de la soudure, or sur or ; c’est la finesse de leur fil ; c’est la légèreté des ‘folioles et des plaquettes, des bâtonnets, des prismes, des cubes et des perles d’or dont ils ont composé leurs parures. Avec les pièces principales du trésor,

  1. On trouvera ce portrait dans Ilios, en tête du volume, et aussi, à la fin de la biographie, dans le livre, cité plus haut, de Schuchardt.