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ne protège pas le bouclier. Un autre perfectionnement, ce sont, à Tirynthe, ces galeries ménagées dans la masse de la muraille, sur lesquelles ouvrent des chambres qui servaient de magasins ; ce sont, à Tirynthe comme à Mycènes, des citernes qui mettent la garnison à l’abri de la soif ; c’est, dans cette dernière forteresse, le passage couvert qui donne accès au canal souterrain où coule, en dehors de l’enceinte, l’eau de la source Perséia.

Si l’architecte a fait un tel effort pour aménager le rempart de manière à lui permettre de braver toutes les attaques, s’il lui a donné une épaisseur qui, à Tirynthe, dépasse par endroits dix-sept mètres, c’est que ce rempart est l’enveloppe et la sauvegarde de l’habitation royale ; en effet, c’est bien celle-ci que l’on ne saurait hésiter à reconnaître dans l’édifice qui, à Tirynthe et à Mycènes, occupe le point culminant du terrain clos de murailles. Par la largeur de l’espace qu’il couvre, par l’ampleur de ses dispositions et par la richesse de sa décoration, cet édifice répond bien à l’idée que nous donnent les poèmes homériques de la hauteur à laquelle se tiennent, au-dessus de la foule sans nom, ses princes, les chefs héréditaires des clans achéens, « les rois porteurs de sceptre, fils de Zeus et pasteurs de peuples. » Ces rois sont des héros supérieurs au reste des hommes ; ils sont bien plus vaillans et bien plus forts que leurs soldats ; leurs armes et les chevaux qui traînent leur char sont des présens des dieux ; on ne saurait donc s’étonner que leurs demeures aient eu de tout autres dimensions que celles de leurs sujets et qu’il y ait été déployé un bien autre luxe, que les artisans les plus habiles, parfois peut-être aidés par des ouvriers appelés du dehors, aient épuisé leur adresse à bâtir, à décorer et à meubler le palais. À Mycènes, un temple dorique, de date postérieure, en se superposant au palais, a effacé toute trace d’une partie de ses arrangemens intérieurs ; à Tirynthe, toute la surface sur laquelle il se développait a été dégagée. Les murs qui séparaient Tes différentes pièces s’élèvent encore, par places, jusqu’à un mètre, et presque partout, il en subsiste quelques vestiges ; on a dressé, de l’ensemble, un plan qui ne présente guère de lacunes et d’après lequel un savant crayon a pu tenter de restituer le caractère et l’aspect de cet édifice[1].

Ce qui frappe au premier moment, quand on jette les yeux sur ce plan, c’est le nombre des pièces, petites et grandes, qui remplissent toute la partie haute de la forteresse, plus des trois quarts de l’enclos ; on arrive ensuite à distinguer des parties secondaires

  1. Voir, dans l’Histoire de l’art dans l’antiquité, t. VI, les planches dessinées par M. Charles Chipiez.