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soutenaient les poutres du plafond, dans lequel devait être pratiquée, au-dessus de l’âtre, une sorte de lanterne à claire-voie par où s’échappait la fumée. Lorsqu’on voit les quatre bases ainsi groupées, est-il possible de ne pas se souvenir des paroles que Nausicaa adresse à Ulysse, quand, au moment de le quitter, elle lui indique comment il devra s’y prendre pour arriver jusqu’à sa mère Arété ? — « Elle est assise, lui dit-elle, près du feu étincelant du foyer, faisant tourner, merveille à voir, la quenouille chargée de laine pourpre ; elle est appuyée contre la colonne et ses servantes se tiennent derrière elle. Là aussi se dresse, près de la flamme, le siège sur lequel mon père reste assis, buvant du vin comme un immortel. » — C’est aussi contre une de ces colonnes que l’on fait asseoir le poète aveugle Démodocos, pour qu’il soit bien au milieu du cercle de ses auditeurs quand il entonne ce chant où il raconte la prise de Troie, ce chant qui remplit de larmes les yeux d’Ulysse.

Nous ne saurions ici pousser plus loin ces rapprochemens ; il suffira de faire observer que, même dans les parties accessoires de l’édifice, on signale encore plus d’une disposition qui s’explique par les habitudes que supposent les récits du poète. Le palais, à Tirynthe, avait sa chambre de bains. Partout ailleurs, le sol est fait d’une sorte de béton, à la surface duquel, dans les cours, de petits cailloux forment comme une mosaïque grossière, tandis que, dans les pièces couvertes, un enduit de chaux était appliqué sur l’aire ainsi préparée, enduit qui a même été décoré, par endroits, de dessins coloriés qui lui donnaient l’aspect d’un tapis. Dans cette chambre, le parti-pris a été tout différent. L’humidité aurait eu bientôt imprégné le béton ; à la place de celui-ci, il n’y a là qu’une large dalle de calcaire, inclinée de façon que toute l’eau jetée à terre s’écoulât vers l’issue qui lui avait été ménagée dans la paroi. Il n’est pas jusqu’à la baignoire, une épaisse cuve d’argile, dont les morceaux n’aient été retrouvés. D’après l’Odyssée, lorsque l’étranger arrive le soir, fatigué d’une longue course, son hôte commence par lui offrir un bain qui le nettoie et qui le délasse.

Quant à l’appartement des femmes, il paraît, à Tirynthe, avoir été au rez-de-chaussée, tandis que, dans la maison d’Ulysse, Pénélope habite, avec ses femmes, l’étage supérieur ; mais, à Mycènes, on distingue les premières marches d’un escalier conduisant à des chambres hautes, qui, situées au-dessus de réduits obscurs, ont dû avoir cette destination. Par ce qui en reste à Tirynthe, on voit que l’habitation privée n’était pas moins soignée que l’appartement de réception. Il y a là une pièce où l’on reconnaît, simplifié par la diminution de l’échelle, le plan du grand mégaron ; le foyer n’y est