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Mycènes et d’Orchomène, on se sent pris du désir d’arriver à une détermination plus précise ; mais là aussi, malgré la supériorité de la technique et les progrès de l’art, aucune inscription, et, dans la tradition, rien qui puisse servir de base à un calcul quelconque. Il faut donc chercher ailleurs, se demander s’il n’y a pas eu de relations entre le monde mycénien et quelque peuple voisin, qui aurait possédé dès lors une histoire écrite, de laquelle la critique se sente en mesure de tirer les élémens d’une chronologie approximative. De peuple qui réponde aux conditions du problème, je n’en sais qu’un, le peuple égyptien. Pour ce que les égyptologues appellent le nouvel empire, la suite des règnes et des faits principaux est maintenant établie de telle sorte que les plus réservés des historiens de l’Egypte croient pouvoir remonter, sans rencontrer de lacune qui fausse leurs calculs, des princes saïtes, dont la date est donnée par les annalistes grecs, aux grands conquérans de la XVIIIe et de la XIXe dynastie.

Les riverains de la mer Egée n’étaient séparés de l’Egypte que par une mer qui, dans la belle saison, est facile à traverser. Si, partant de la Crète, une barque fait voile vers le sud, elle est déjà bien près des plages basses du Delta, lorsque son pilote cesse d’apercevoir à l’horizon les cimes neigeuses des Monts Blancs et de l’Ida. Quant à Cypre, elle n’est séparée que par un détroit de cette Phénicie, qui a été très longtemps comme une province de l’empire des Pharaons. Il y avait donc bien des chances pour que des relations s’établissent entre l’Egypte et la Phénicie, d’une part, et de l’autre, la civilisation égéenne. Ceci posé, il ne reste qu’une question de fait à résoudre : avons-nous la preuve que ces relations aient existé dès les temps mycéniens ?

La réponse, c’est à l’Egypte qu’il convient de la demander, à cause du caractère authentique des documens qu’elle nous a transmis ; or, ceux-ci ne laissent guère place au doute. Sous Toutmès III, entre 1550 et 1500, plusieurs textes officiels s’accordent à compter, parmi les pays qui relèvent du souverain de l’Egypte, les iles de la Grande- Verte, les îles qui sont au milieu de la mer, parmi lesquelles la stèle de Toutmès mentionne nommément Asi, c’est-à-dire l’île de Cypre. Des formules toutes pareilles se rencontrent dans les inscriptions d’Aménophis III et d’Aménophis IV ; on les voit encore reparaître, vers 1350, sous Ramsès II. Les Grecs racontaient que Sésostris avait occupé les Cyclades.

Cette suzeraineté de l’Egypte sur les îles était-elle effective, ou n’y avait-il là que quelques marques de déférence données, sous forme de présens annuels, aux maîtres redoutés d’un empire dont