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pas démontré, pourrait-on dire, que les tombeaux d’où ces objets ont été tirés soient contemporains de Ti et d’Aménophis. Des scarabées marqués à ces noms peuvent avoir été portés à l’étranger, par le commerce, bien après le règne d’Aménophis, et, d’autre part, dans les ateliers où l’on travaillait pour l’exportation, on ne se faisait aucun scrupule de graver, sur ces pièces, les cartouches de Pharaons illustres, morts depuis des siècles. Il n’est pas impossible que ces scarabées et ces vases aient été ainsi antidatés par un caprice de l’ouvrier ; mais cette hypothèse ne perd-elle pas beaucoup de sa vraisemblance, quand on constate que, jusqu’ici, on n’a pas trouvé, à Ialysos et à Mycènes, d’autres cartouches royaux que ceux des princes et princesses de la XVIIIe dynastie ? Si l’on était en présence de légendes de fantaisie, celles-ci n’offriraient-elles pas une bien autre variété ?

C’est vers 1450 que l’on place l’avènement d’Aménophis III, qui a régné quarante ans. Les tombes et les maisons où ont été ramassés ces articles égyptiens ne peuvent pas être antérieures au milieu du XVe siècle, et il est bien peu probable qu’elles soient plus récentes. On ne risque donc guère de se tromper en affirmant que la civilisation mycénienne battait son plein vers le milieu de ce siècle ; mais ces scarabées et ces tessons de faïence proviennent de monumens qui paraissent moins anciens que les tombes du cimetière royal de l’acropole, et l’on a donc à s’enfoncer plus loin dans ce passé, jusqu’aux environs peut-être de l’an 1600, pour atteindre le temps où se sont soudées au roc les premières assises de la formidable enceinte.

Si c’est vraiment vers l’an 1100 que les Doriens ont envahi le Péloponnèse, la civilisation mycénienne aurait eu, en Grèce même, de quatre à cinq siècles de durée, et ce serait vers le XVe et le XIVe siècle qu’elle aurait atteint son apogée, plutôt peut-être que dans l’âge qui précède de très près la chute des royautés achéennes. Ceux qui ont étudié sur le terrain les restes des édifices de Tirynthe et de Mycènes ont cru s’apercevoir que, là où il y avait trace de réparations et de réfections successives, les dernières trahissaient presque toujours une certaine négligence ; le travail s’y montrait plus grossier. Avant même d’être ébranlée par les attaques des tribus du nord, cette Grèce primitive allait déjà s’affaiblissant. Son art avait épuisé tous les partis qu’il pouvait tirer d’un répertoire de motifs assez limité ; il avait vieilli ; il tournait à la convention et à la manière.

S’il y a eu certainement, au cours de cette période, des relations directes entre la Grèce et l’Egypte, on ne saurait supposer que Pélasges et Achéens aient été chercher eux-mêmes sur les