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l’orfèvrerie, deux aspects assez différens. Avec leurs images de plantes et d’animaux marins, les vases représentent plus particulièrement l’art populaire, celui qui, après avoir épuisé la série des combinaisons du décor géométrique, s’amuse à copier naïvement la nature locale. Vrais produits industriels, ces vases paraissent avoir fourni la matière d’un actif commerce ; on les trouve dans toute la Grèce européenne, en Asie-Mineure et en Égypte. On s’est demandé si tous les vases mycéniens, aujourd’hui connus, ne proviendraient pas des ateliers de l’Argolide ; on ne saisit pas, entre ces vases, les différences marquées qui permettent d’affirmer l’existence de plusieurs fabriques, dont chacune a ses procédés et ses motifs préférés. La raison est spécieuse, et il y a des chances pour que la plupart de ces poteries aient été façonnées par les artisans de la ville qui paraît avoir été le plus important des centres de cette civilisation ; mais nous avons dit pourquoi il nous semble que le style qui caractérise cette céramique avait dû prendre naissance dans les îles plutôt qu’à Mycènes, et quelle difficulté y a-t-il d’ailleurs à admettre que des potiers formés en Argolide aient été s’établir ensuite à Sparte, à Athènes ou à Iolcos ? Plus tard, sans doute, on a vu Corinthe, puis Athènes, fournir, à elles seules, presque tous les vases peints qui se débitaient sur les marchés de la Grèce propre, du Bosphore cimmérien et de l’Etrurie ; mais est-il vraisemblable que, dans ces temps reculés, la capitale des Atrides ait été assez bien outillée et que les courans commerciaux aient été assez bien établis pour qu’une cité unique soit ainsi devenue comme une sorte d’usine centrale, investie d’un véritable monopole ? Nous posons la question sans la résoudre : seule l’analyse microscopique de l’argile, telle que M. Fouqué l’a pratiquée pour les vases de Santorin, trancherait le débat.

À côté de cet art spontané, qui produit par milliers des ouvrages destinés à la consommation courante, il y a ce que l’on peut appeler l’art royal, celui que nous connaissons par les grandes pièces d’orfèvrerie. C’est là que se fait le plus sentir l’influence des modèles orientaux ; mais, là même, bien que plus d’un motif paraisse d’origine exotique, la facture a des défauts et surtout des qualités qui donnent à penser que ces objets rares et de haute valeur ont été, eux aussi, exécutés sur place, par des artistes indigènes. Parmi toutes ces sculptures sur métal qui, du trésor des Perséides et des Atrides, ont passé dans les vitrines du musée central d’Athènes, il en est plusieurs devant lesquelles, à première vue, on ne peut s’empêcher d’évoquer le souvenir de l’Égypte et de la Phénicie ; mais, quand on y regarde de près, on reste convaincu que ce