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discours de la reine et par la discussion de l’adresse qui s’est aussitôt engagée dans les deux chambres du parlement. Par lui-même sans doute, ce nouveau discours de la reine n’a rien de décisif et ne propose pas des solutions précises ; il n’a non plus rien de banal et ne se perd pas dans les déclarations aussi verbeuses qu’inutiles de la plupart des programmes. Il a, dans sa savante brièveté, le mérite de condenser les choses les plus essentielles, de fixer les points sur lesquels va s’engager la bataille des partis.

Au fond, dès le début, dans ce discours royal comme dans la discussion de l’adresse, on se trouve déjà en face des deux affaires où se concentre le plus vif intérêt du moment, l’une tout intérieure, l’autre extérieure. La première est cette souveraine et redoutable question de l’émancipation irlandaise du home-rule, qui pèse sur l’Angleterre, que le ministère libéral, fidèle à ses promesses, entreprend décidément de résoudre. Quelles sont les combinaisons qu’il propose ? M. Gladstone, en tacticien habile, s’est gardé de livrer prématurément et sommairement, dans le discours de la reine, le secret d’un projet qu’il a longuement médité, qu’il s’est réservé d’exposer et de développer dans toute son ampleur devant la chambre des communes comme il vient de le faire aujourd’hui. Il en avait cependant dit assez pour laisser entrevoir l’esprit et le caractère d’une organisation nouvelle, préparée « avec le désir de contenter le peuple irlandais, de rendre plus efficaces les travaux du parlement britannique et de donner des garanties nouvelles de sécurité à l’empire. » Voilà pour les Irlandais ! — Et pour rallier l’autre aile de son armée, M. Gladstone s’est hâté de faire dire en même temps à la reine qu’il serait présenté « divers projets relatifs aux conditions du travail, à la responsabilité des patrons, aux heures de travail dans les chemins de fer…, à l’amélioration du gouvernement local…, à l’extension des pouvoirs du conseil du comté de Londres, etc. » Ce ne sont là, on le remarquera, que les traits principaux. Le programme est certes aussi vaste et aussi varié que hardi. Lord Salisbury s’est hâté de déclarer d’un ton un peu ironique qu’il faudrait un siècle pour l’exécuter. Dans tous les cas, à ne prendre que le home-rule, qui est à lui seul une révolution dans l’empire britannique, et à voir les passions qui s’agitent déjà contre M. Gladstone, contre M. John Morley, on peut s’attendre à une session remplie de luttes ardentes, à des résistances désespérées. Et songez bien qu’il y a une opposition de près de 320 conservateurs, conduite au combat par lord Salisbury dans la chambre des pairs, par M. Balfour dans les communes.

L’autre affaire que le discours de la reine n’a mentionnée que d’un trait rapide, quoique significatif, — qui a soulevé déjà d’amples et libres discussions dans le parlement, — c’est cette crise égyptienne, qui reste