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circonstances, sa grande chaleur spécifique, qui se manifeste par un refroidissement très lent, en fait apprécier l’emploi. — Sa conductibilité, soit pour la chaleur, soit pour l’électricité, semble aussi lui réserver un assez bel avenir. — On sait que les corps se laissent plus ou moins facilement traverser par la chaleur, — qu’ils sont, pour employer le vocabulaire des physiciens, plus ou moins bons conducteurs. Les matières organiques sont en général mauvaises conductrices, — et, comme l’aurait pu dire le candide auteur des Harmonies de la Nature, — c’est fort heureux, car si les tissus qui composent le corps humain laissaient facilement aller et venir la chaleur à travers leurs pores, la moindre variation de la température extérieure se ferait sentir jusqu’aux organes essentiels dont on connaît l’extrême susceptibilité, et nous péririons vingt fois par jour, tantôt de chaud, tantôt de froid. — Le bois est mauvais conducteur, ce qui permet de tenir entre les doigts une allumette en feu jusqu’à ce qu’elle soit presque entièrement consumée. L’eau conduit -mal la chaleur et l’air encore moins. De récentes expériences semblent démontrer que la chaleur ne circule pas dans le vide absolu ; et si l’astre bienfaisant, centre de notre système planétaire, parvient à faire arriver jusqu’à nous quelques rayons vivifians, c’est qu’entre lui et notre terre, l’immensité de l’espace est remplie de ce fluide hypothétique, subtil, impondérable, qui s’appelle l’éther. Les métaux, au contraire, sont tous bons conducteurs du calorique. On serait peut être tenté de dire que, la chaleur n’étant après tout qu’une vibration des molécules matérielles, la conductibilité dépend du rapprochement plus ou moins grand de ces molécules ; que la distance qui les sépare les unes des autres, très grande dans l’éther, grande encore dans l’air, moins grande dans l’eau, diminue dans les corps solides et y diminue de plus en plus, à mesure que l’on va d’un corps lourd à un autre plus lourd encore, ce qui conduirait à penser que la conductibilité est proportionnelle à la densité. Mais, en ces sortes de théories, il ne faut pas trop se presser de raisonner ; on risquerait de le faire avec l’imagination. Comme le dit Fontenelle, les vrais philosophes sont comme les éléphans qui, en marchant, ne posent jamais le second pied à terre que le premier ne soit bien affermi[1]. En fait, dans les métaux, la conductibilité et la densité ne vont pas toujours ensemble. L’aluminium, pour nous en tenir à notre sujet,

  1. « La comparaison, ripostait la spirituelle marquise avec qui s’entretenait Fontenelle, me parait d’autant plus juste que le mérite de ces deux espèces, éléphans et philosophes, ne consiste nullement dans les agrémens extérieurs. » (Fontenelle, les Mondes, 6° soir.) Cette impertinence de jolie femme date de plus de deux siècles, et ne peut, par conséquent, atteindre aucun de nos contemporains.