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apprenaît à peine sur les rives du Mississipi à récolter les ondoyans flocons, les premiers tissus qui en furent faits furent regardés comme des raretés, dignes d’être offertes à une reine ; il n’est aujourd’hui si humble prolétaire qui n’emploie à mille usages divers ces mêmes tissus de coton. Il en sera de même pour l’aluminium. Quand il ne coûtera pas plus cher que le fer, on lui trouvera une foule d’emplois utiles et nouveaux, auxquels on ne songe même point aujourd’hui. Dès maintenant, il est beaucoup plus répandu et utilisé qu’au moment où Sainte-Claire Deville en fondait les premiers lingots dans la petite usine de Javel : mais aussi est-il beaucoup moins cher. En 1856, le kilogramme en coûtait 900 francs ; l’année suivante, Sainte-Claire Deville en transportait la fabrication à la Glacière, où les opérations pouvaient s’exécuter d’une façon continue. Le prix en tombait à 300 francs. Mais l’aluminium ne fit qu’une halte sur les sommets de la Glacière. Un an après, l’usine était à Salindres, près d’Alais, avec le combustible et la bauxite à portée. L’économie qui résulte de cette nouvelle situation, l’emploi en petite quantité, et à titre, pour ainsi dire, de fondant, d’un nouveau minerai d’aluminium, la cryolite, qu’on venait de découvrir au Groenland, font rapidement baisser le prix du métal. Il n’était plus que de 90 francs en 1883.

C’est vers ce moment que se créèrent en Angleterre plusieurs fabriques d’aluminium. On continuait à y appliquer les procédés de Sainte-Claire Deville, non toutefois sans les améliorer de façon à les rendre plus économiques. Ainsi, la production de 100 kilos d’aluminium exigeait près de 300 kilos de sodium, qui continuait à coûter de 12 à 13 francs le kilo. M. Castner, à Oldbury, près de Birmingham, emploie un nouveau mode de préparation de ce dernier métal, qui permet d’en baisser le prix à 3 francs. Celui de l’aluminium descend à 50 francs. L’année suivante, C. Netto, à l’usine de Wallsend, dans le voisinage de Newcastle-on-Tyne, imagine, sur du charbon de bois porté à l’incandescence dans une cornue en fer, de projeter à l’état de pulvérisation la soude caustique préalablement fondue. Il obtient ainsi directement le sodium. L’économie du procédé en abaisse le prix à 1 fr. 25, et, comme précédemment, par voie de conséquence, celui de l’aluminium descend à 35 ou 36 francs.


III

Il semblait difficile aux procédés chimiques jusque-là employés d’aller beaucoup plus avant dans la voie des améliorations économiques, et la métallurgie de l’aluminium ne promettait aux arts qu’un produit d’un emploi d’autant plus restreint qu’il aurait été