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Il y a quelques mois, il n’était plus que de 4 francs le kilogramme. On peut prévoir qu’il sera prochainement à 2 fr. 50 ou même 2 fr., — et ce ne sera pas le dernier mot. — Ce serait lui assurer un débouché commercial important. Il s’en produit actuellement dans le monde entier 1,400 à 1,800 kilogrammes par jour à peine. On en aura dix fois, cent fois plus, — car la matière première ne manque pas, — lorsque son prix permettra de le substituer, dans une foule d’usages, au fer et au cuivre.

Ses alliages tiennent dès aujourd’hui une grande place dans la pratique industrielle. Les bronzes et les laitons d’aluminium, plus légers, plus tenaces et plus résistans que le cuivre même, conduisant mieux que lui la chaleur et l’électricité, le remplaceront quelque jour. C’est également vers la production des alliages avec la fonte de fer que tendent les nouvelles usines. Les forges les leur demandent pour l’affinage de la fonte et de l’acier.

La métallurgie du fer est aujourd’hui une science autant qu’une industrie. L’enseignement de notre grande École des mines, illustrée par les Berthier, les Rivot, les Grüner et leurs successeurs, a chassé l’empirisme et donné comme guide aux opérations du maître de forge les indications précises d’une rigoureuse analyse. C’est un hommage qu’on lui rend dans la patrie de Bessemer aussi bien que sur le continent, et il convient de saisir avec empressement l’occasion de le noter ici. Grâce à cet enseignement, la propension aciéreuse, cette prétendue qualité mystérieuse, spéciale à certains minerais, est allée rejoindre dans les limbes l’action catalytique, l’horreur de la nature pour le vide, tous ces mots aussi dépourvus de sens que la vertu dormitive de l’opium et auxquels s’applique si bien le mot : « Ils ne servent qu’à couvrir l’ignorance de ceux qui les inventent. »

Ainsi instruit par l’analyse et de la composition exacte des élémens qui entrent dans le lit de fusion et de celle des produits à tous les momens de l’opération, le métallurgiste détermine à coup sûr ce qu’il faut éliminer, ce qu’il faut ajouter pour donner à la fonte la qualité requise pour l’emploi qu’on en veut faire. Ce métal sera-t-il Dieu, table ou cuvette ? Sera-t-il obus ou bien cuirasse ? Quelques centièmes d’alliage en décideront. Un peu de chrome rend incassables les projectiles de l’artillerie ; le nickel, heureusement, ajoute aux blindages un surcroît de résistance. Introduite à propos dans le convertisseur Bessemer ou le four Martin, une petite proportion d’alliage de fonte et d’aluminium communique au métal en fusion une fluidité qui facilite le dégagement des gaz qui, autrement, resteraient emprisonnés dans le bain métallique, produisant dans le métal ces soufflures que les Anglais appellent blow-holes, et qui, surtout dans les pièces volumineuses, nuisent à