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« Je cède à la force supérieure des États-Unis d’Amérique dont les troupes ont, sur la requête de leur ministre plénipotentiaire John-L. Stevens, pris possession de ma capitale et reconnu un gouvernement provisoire insurrectionnel.

« Je cède, pour éviter l’effusion du sang, mais j’en appelle au gouvernement des États-Unis ; je proteste contre les actes de son représentant, contre la violation des traités et des lois de neutralité, et j’attends de lui, après enquête faite sur les actes dont je suis victime, la restauration de mes droits comme souveraine constitutionnelle du royaume havaïen.

« Fait à Honolulu, le 17 janvier 1893.


« LILIUOKALANI. »


IV

À quelque point de vue que l’on se place pour envisager les faits accomplis, on n’y saurait voir qu’un coup de force tenté par les résidens américains pour s’emparer de l’archipel, qu’une occupation à main armée de la capitale par les troupes des États-Unis, qu’une insurrection appuyée par le ministre résident et le commandant d’un bâtiment de guerre en vue d’amener, sinon l’annexion des îles, à tout le moins l’établissement d’un protectorat.

Ni les faits antérieurs ne justifient, ni les traités conclus n’autorisent une aussi flagrante violation des droits d’un petit État, indépendant depuis près d’un siècle et auquel les puissances étrangères n’ont à reprocher aucun acte de violence commis contre leurs nationaux. Son autonomie est reconnue par de nombreux traités, consacrée par de nombreux actes diplomatiques, et la volonté de 2,000 résidens américains ne saurait légalement prévaloir contre ces précédens et contre les sentimens d’une population de 96,000 âmes.

Si, aujourd’hui, les Américains possèdent aux îles des intérêts considérables, si les plantations créées par eux représentent plus de 150 millions de francs ; si, débarqués, pour la plupart, pauvres aux îles, ils s’y sont enrichis ; si leurs maisons de commerce disposent de capitaux considérables, ils le doivent, après leur travail et leur industrie, à l’hospitalité des indigènes, aux lois libérales, aux mesures intelligentes votées par les chambres, à l’ordre, à la sécurité dont ils ont joui, ainsi que tous les étrangers, et c’est mal reconnaître ces bienfaits que d’y répondre par une agression que rien n’excuse. En se hâtant, comme il le fait, d’adresser au congrès des États-Unis, sur la requête d’une commission déléguée par un gouvernement insurrectionnel, un message favorable à l’annexion de l’archipel, le premier magistrat de la grande république, dont les