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des membres de ces ordres prenaient part aux luttes des partis, et les opinions les plus avancées avaient même des représentans dans les couvens. En 1856, les biens ecclésiastiques, qui étaient très étendus, furent désamortis, c’est-à-dire mis en vente au profit de l’État. Le prétexte invoqué était la nécessité de payer la dette étrangère, mais le trésor en profita peu. Ces biens furent l’objet d’un vaste gaspillage et l’occasion de fortunes nouvelles. La petite et la moyenne propriété que l’on espérait établir par là ne se sont pas développées, et, comme la République désamortit aussi les biens des établissemens d’instruction et des hospices en se substituant à eux pour ces services, elle se trouve en dernière analyse avoir plus de charges qu’auparavant. Immédiatement après la promulgation de cette loi par le président Comonfort, la guerre civile, qui depuis 1810 était intermittente, reprit avec plus de fureur et dura dix ans.

Le parti conservateur avait cru qu’il pourrait relever le pays de l’anarchie et du désordre financier où il était tombé en profitant de l’intervention des trois puissances : la France, l’Angleterre, l’Espagne, qu’avait provoquée, en 1861, la suspension du paiement des intérêts de la dette extérieure. On sait comment les troupes espagnoles et anglaises se rembarquèrent, laissant seul le petit corps d’armée du général Lorencez s’avancer dans l’intérieur du pays jusqu’à ce qu’il éprouvât, devant Puebla, le 5 mai 1862, un échec réparé dès l’année suivante, mais dont l’orgueil fait oublier encore aux Mexicains toutes les tristes pages de leur histoire. Napoléon III pensa consolider les résultats de son intervention en relevant le trône d’Iturbide sur la tête de Maximilien. L’empire fut acclamé au premier moment dans tout le Mexique en vertu de ce sentiment favorable aux choses nouvelles qui existe chez les peuples fatigués par les révolutions. Puis Maximilien avait de sérieux appuis dans le clergé et la classe des grands propriétaires ; son prestige était fort grand sur les Indiens. Mais, généreux, artiste et libéral, ce malheureux prince ne pouvait avoir la brutale énergie nécessaire pour rétablir l’ordre dans une société violente comme celle-là et pour trancher les questions inextricables que les révolutions précédentes lui avait léguées. D’ailleurs, depuis que la république s’est établie aux États-Unis, qu’elle y a triomphé de la guerre de sécession et qu’elle s’est affermie par un siècle de succès, le sol américain est impropre à porter des monarchies. L’appui occulte, mais très efficace, que le gouvernement de Washington donna à Juarez et qui força Napoléon III à rappeler l’armée d’occupation, rendit impossible raffermissement de l’empire mexicain. L’odieuse exécution de Queretaro imposée à Juarez par son premier