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dictature militaire s’accommode très bien de la forme républicaine, et Porfirio Diaz s’entend à merveille à respecter les formes. En le voyant ouvrir la session du congrès et saluer respectueusement les membres des deux chambres, qui restaient solennellement assis, mais qui tous tremblaient intérieurement devant lui, il nous semblait, si parva magnis componere licet, voir Tibère, au sénat, faisant modestement un discours à ses collègues ! Pour être plus modernes, nous dirons que Porfirio Diaz gouverne comme Bonaparte après le 18 brumaire. Il en a le génie, disent ses panégyristes ; seulement le cadre est différent, ils en conviennent.

La constitution mexicaine est très remarquable sur le papier. Elle a été copiée sur celle des États-Unis avec quelques modifications fort intéressantes pour les amateurs de droit public comparé. Un professeur de l’école de droit de Guadalajara, M. Mariano Coronado, en a fait un commentaire qui a sa place marquée dans toutes les bibliothèques de jurisprudence ; mais, en fait, les élections à tous les degrés, qui se font d’ailleurs au suffrage universel le plus étendu, ne sont qu’un simulacre destiné à enregistrer les choix du maître.

Le parti libéral, en 1825, brisa l’unité du pays en constituant chaque province en un État, ayant tout un mécanisme gouvernemental modelé sur celui des États de l’Union américaine. Au-dessus d’eux s’élève la fédération, ayant pour organes un président de la république et un congrès national, composé de deux chambres. La République mexicaine se trouve aujourd’hui composée de vingt-sept États, du district fédéral et de deux territoires. Lorsque le pouvoir central était faible, ces États étaient autant de centres de pronunciamientos ; mais, comme ils ne sont que des expressions géographiques et n’ont pas une base historique, ils n’ont en réalité aucune autonomie quand le président qui siège à Mexico est un homme énergique. Déjà plusieurs fois leur nombre et leurs limites ont été remaniés arbitrairement.

Aux États-Unis, deux grands partis se font équilibre et les gouvernemens locaux sont à peu près également partagés entre eux. Au Mexique, pas un seul État n’est gouverné par un parti opposé au président. Les gouverneurs sont censés élus par le peuple ; en fait, ils sont désignés par le président et le nom de ses candidats sort invariablement des urnes. Chaque gouverneur, à la condition de soutenir à tout prix le président, est à peu près maître de faire ce qu’il veut dans son État. Il n’est pas plus gêné par son congrès local et par la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, inscrite en tête de la constitution particulière de l’État, que Porfirio Diaz ne l’est par le congrès siégeant à Mexico. Les