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ne les punirait point[1]. Une seconde délégation plus nombreuse et qui comptait, outre les officiers, de simples volontaires, se présenta le surlendemain à son hôtel, sous la conduite du maire-consul Roubaud, dont la présence indiquait que la municipalité, en dépit des égards qui lui avaient été témoignés, était résolue à faire cause commune avec la milice. C’était mettre à trop rude épreuve la patience du hautain gentilhomme. « Il témoigna son étonnement de voir introduire chez lui un nombre de volontaires, les derniers des hommes, à la suite de M. le consul et des officiers de la garde nationale ; il essaya de les faire sortir, en marquant sa surprise que des volontaires, dont leurs chefs faisaient trop de cas, mais qu’il savait apprécier à leur juste valeur, fussent admis à faire partie d’une députation ; il ajouta que, s’il avait été prévenu de leur arrivée, il se serait mis à la porte et se serait opposé à leur entrée…[2]. » Le consul s’étant risqué à lui répondre que « ces volontaires, dont la présence lui était importune, étaient des citoyens estimables, » M. de Rions répliqua avec vivacité que ces volontaires étaient des insubordonnés et qu’il fallait les faire rentrer dans le devoir. « J’ai la force en mains, disait-il, je compte sur mes braves gens, je n’ai pas peur. Je serai en tout inexorable ; je suis le chef, je soutiendrai tous les officiers de la garnison et je ne souffrirai jamais qu’aucune des personnes sous mes ordres soit insultée par les volontaires[3]. » Si ces propos ont vraiment été tenus, dans la forme agressive et comminatoire que leur attribue la relation à laquelle on les emprunte, — relation hostile à M. de Rions, ne l’oublions pas, — ils manquaient évidemment de prudence et de mesure. Toutefois, comprenant sans doute qu’il s’était laissé entraîner un peu loin dans cette sortie, le commandant de la marine ne voulut pas mettre fin à l’entrevue sans donner un gage de ses dispositions conciliantes et, « soit prudence, soit justice, il consentit à faire retirer la déclaration de guerre des bas officiers de la marine[4]. » Cette concession aurait dû, ce semble, désarmer le mécontentement de la milice et clore l’incident : il n’en fut rien. Dans une assemblée générale de la garde nationale, qui fut tenue le lendemain, les délégués rendirent compte de la manière dont ils avaient été reçus par M. de Rions. Leur récit provoqua une vive indignation ; les têtes s’échauffèrent ; on déclara que les paroles du commandant constituaient une offense à la milice tout entière et qu’il était impossible de laisser passer, sans protestation, ces outrages et ces menaces « qui annonçaient

  1. Mémoire de la ville de Toulon, p. 27.
  2. Ibid., p. 27 et 28.
  3. Ibid.
  4. Ibid., p. 29.