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comme l’ont fait tous les libéraux, avant et après 1870, « qu’il était temps de mettre fin au mauvais gouvernement de cet État de prêtres qui ne pouvait se soutenir que par des troupes étrangères et constituait un anachronisme politique, destiné à disparaître tôt ou tard. »

Nous ne voulons ni affirmer qu’il y a ni contester qu’il y ait dans ces argumens quelque chose de bien fondé. Sous la plume de Pantaleoni, de Bonghi, des libéraux italiens, sur les lèvres de M. Crispi et de M. Lemmi, ils ne nous étonnent pas, ils ne nous choquent pas. Mais comment ne pas les trouver étranges quand c’est un professeur de droit qui les produit, un professeur de droit international, instruit, par métier, de la valeur des traités et des engagemens internationaux, un homme qui n’oublie jamais qu’il est professeur de droit et qui glisse des thèses jusque dans ses diatribes ? Tournez le feuillet où il invoque « la pression irrésistible du peuple, » le devoir ou la nécessité « de mettre fin au mauvais gouvernement d’un État de prêtres, » à un « anachronisme politique ; » vous y apprendrez que « si le pape n’est plus souverain dans le sens du droit public (puisqu’il n’a plus ni territoire ni sujets) il est au moins traité comme tel dans tous les rapports essentiels. » Vingt lignes plus bas, autre thèse, ainsi formulée : « Le droit d’exclusion, exercé jadis par certains États contre des candidats désagréables, est dorénavant tombé en désuétude. » M. Geffcken demeure donc jusqu’au bout juriste et professeur, quoique, par endroits, on ne s’en douterait guère ; mais ne sait-on pas qu’une contradiction ne l’effraie point ?

Pour finir, voici la dernière et aussi la plus forte de toutes. M. Geffcken a précédemment reconnu que, sauf deux ou trois erreurs qu’il énumère, la politique du pape a été très habile. Il assure qu’après le 20 septembre 1870 « il ne restait au gouvernement italien qu’à prouver au monde catholique que la perte du pouvoir temporel laisserait intacte l’autorité spirituelle du saint-siège. » Il dit que la loi des garanties, « rendue à cet effet » le 13 mai 1871, et « tacitement acceptée par tous les gouvernemens, a fait ses preuves ; » que la situation actuelle « doit être regardée comme définitive, qu’aucun souverain italien ne peut plus abandonner Rome capitale, » que « si, par impossible, le pouvoir temporel était rétabli momentanément, la véritable difficulté serait de le maintenir. » Il ajoute que toutes les démonstrations en ce sens sont nécessairement vaincs et platoniques. « Les résolutions des assemblées catholiques n’y feront rien. » Le congrès international de Chicago, s’il se réunit en 1893, a laissera la question où elle est. » Certainement, le clergé a beaucoup d’influence aux États-Unis ; « mais croit-on