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que cette influence suffira pour déterminer le président à intervenir activement » pour une restauration du pouvoir temporel ? — Eh bien, alors, et la France ?

Ah ! la France, M. Geffcken s’en méfie. C’est vers elle que, depuis qu’il a échoué du côté de l’Allemagne, la triple alliance garantissant le statu quo territorial du royaume d’Italie, se sont tournés les yeux et le cœur de Léon XIII. Or M. Geffcken, qui en vingt minutes d’entretien a sondé la conscience et l’intelligence du pape, proclame que Léon XIII n’a devant les yeux d’autre image et dans le cœur d’autre passion que ce rétablissement, impossible selon lui, d’un pouvoir, précaire selon lui-même, M. Geffcken. Depuis vingt ans, la république était dans les conditions où s’applique la maxime de l’apôtre saint Paul (Rom., XIII, I) : « Tout homme doit être soumis à l’autorité qui a le pouvoir sur lui. » Pourquoi « le pape a-t-il attendu si longtemps ? » a-t-il tant tardé à se prononcer ? « Ne semblerait-il pas que sa conversion à la légitimité républicaine serait de date assez récente, coïncidant avec les conseils de Mgr Lavigerie ? » Mais, pour s’être converti tard, Léon XIII n’en met que plus d’ardeur dans ses déclarations expresses et répétées, qui équivalent à des ordres. Peu lui importe d’avoir « gravement mécontenté la plus grande partie du clergé ; » il répète que l’encyclique du 16 février doit être prise au pied de la lettre, il réduit ainsi « les évêques et les prêtres à un silence mécontent. »

Voilà où aboutit l’infaillibilité du pape. Il y a plus. Léon XIII, a pour plaire à l’alliée latente de la république française, » livre la malheureuse Pologne à ses bourreaux, ouvre aux catholiques russes les portes de l’enfer sibérien. Il appelle le tsar « patriarche du nord » et range la tsarine parmi ses enfans les plus chers. « Jusqu’au chargé d’affaires de Russie à Rome, M. Iswolsky, qui se vante d’avoir donné un fameux coup d’épaule à la déclaration papale en faveur de la république française et qui est personna gratissima au Vatican ! » Mais pour l’Autriche, rien ; rien que des dénis de justice pour la monarchie de saint Étienne et pour sa majesté apostolique ! Point de cardinaux ; pas d’évêque sur le siège d’Agram ; des intrigues franco-russo-papalines en Orient, à Constantinople, en Albanie, en Macédoine. M. Geffcken en recule d’horreur ; le pape est républicain et cosaque ! Rappelons à l’humilité chrétienne l’ancien ministre résident, le conseiller privé de Berlin : on est toujours le cosaque de quelqu’un ; si les Russes n’ont pas cessé d’être pour les Allemands des Barbares « mangeurs de chandelle, » les Allemands, malgré la triple alliance, le sont encore pour les Italiens : Tedeschi, mangiasevi.