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complètement libre, en ce qui regardait la France, de déterminer à son gré les garanties et les libertés intérieures de l’Église ; l’obstacle qu’on avait cru et qui avait été (autrefois, du temps de l’empire) le plus difficile à franchir pour la solution de la question romaine, se réduisait à rien[1]. »

Presque autant que de la France, on se méfiait de l’Autriche. On s’en méfiait à ce point qu’on avait envoyé à Vienne « un des hommes les plus considérables de la droite et de l’Italie ; non pas un diplomate de carrière, mais une habile et distinguée personnalité politique, M. Minghetti[2]. » Pour l’Autriche encore on se trompait ; la cour de Vienne avait sa conviction faite depuis longtemps déjà. En Italie, on vivait sur une idée fausse, sur la vieille idée de la sainte-alliance de 1815, ayant à sa tête l’Autriche, de pleine intelligence avec le Vatican jusqu’en 1860 et même jusqu’en 1866 ; ce bon accord, on le croyait le fruit de sentimens profondément religieux plutôt que d’arrangemens politiques : on prenait texte de la piété bien connue de la cour impériale ; on s’imaginait volontiers un parti clérical très fort, un parti libéral aisé à tenir en respect ou à vaincre s’il bougeait. Ce parti n’avait pas dans le pays les racines qu’il semblait avoir. Il n’en avait que dans le menu peuple (popolino). Par suite, la cour de Vienne, malgré sa piété, « se trouvait obligée, en 1870-71, de renverser les espérances que le Vatican avait fondées sur elle[3]. » Dans le parlement, non plus, il n’y avait pas de groupe clérical important et, par suite, le gouvernement autrichien n’avait pas de motif pour soutenir le pouvoir temporel du pape, « de ce pape qui se prétend le souverain des souverains. »

Mais, de Florence, on ne voyait pas ce que les choses étaient réellement à Vienne ; — ce sont les Italiens qui le disent. Le premier ministre de François-Joseph était protestant, on le savait : on n’ignorait peut-être pas les paroles de M. de Beust : « Le jour où les Français sortiront des États pontificaux, il faudrait que les Italiens pussent y entrer, de l’assentiment de la France et de l’Autriche. Jamais nous n’aurons les Italiens avec nous de cœur et d’âme, si nous ne leur retirons pas leur épine romaine. Et franchement ne vaut-il pas mieux voir le saint-père sous la protection de l’armée italienne que de le voir en butte aux entreprises garibaldiennes ? » Mais au-dessus de M. de Beust, il y avait l’empereur qui pouvait penser et agir, en une circonstance aussi grave et qui touchait à la loi catholique, autrement que son chancelier.

  1. Scaduto, Guarentigie pontificie, p. 58.
  2. Id., ibid.
  3. Id., ibid.